Entre public et privé, vers un nouveau secteur socialisé – Tony Andréani

Entre public et privé, vers un nouveau secteur socialisé – Tony Andréani

Dans cet ouvrage d’ économie-fiction Tony Andréani imagine un secteur « socialisé » à base autogestionnaire, afin d’inspirer un éventuel gouvernement de gauche. Ce secteur socialisé serait distinct du secteur public, en s’appuierait sur un système de financement original destiné à pallier le problème du sous-financement des coopératives de production, tout en garantissant une véritable démocratie d’entreprise.

 

Tony Andréani part d’une analyse critique des coopératives de production existantes. Malgré leur principe démocratique (un homme/une voix) qui ne se retrouve ni dans le secteur public, ni dans le secteur de l’économie solidaire (mutuelles d’assurance, de santé, etc..), elles ont selon l’auteur les limites suivantes:

  • les coopératives de production craignent le passage à une grande taille.
  • elles occupent souvent des niches dans l’économie capitaliste.
  • Elles ne sont pas souvent organisée en réseau.

Selon l’auteur ces limites sont étroitement liées au problème de financement des coopératives de production  qui manquent souvent de capitaux pour croître : soit les coopérateurs ne disposent pas des ressources nécessaires, soit ils craignent de les placer dans leur entreprise par peur du risque.

Socialisation de l’investissement et de l’information

Pour supprimer le problème de financement chronique des coopératives de production, l’auteur propose de supprimer les capitaux propres : « les entreprises ne doivent plus s’autofinancer », mais dépendent intégralement de financements extérieurs sous forme de crédits et non pas de capitaux, pour éviter une prise de contrôle externe.

Les préteurs seraient des banques « socialisées », et elles-mêmes autogérées et ne disposeraient pas non plus de capitaux propres.

Elles seraient alimentées par un Fonds d’investissements public, abondé par les les intérêts versés par les entreprises bénéficiaires des prêts, et bénéficiant de la garantie de l’Etat. Ce Fonds veillerait à la qualité du crédit grâce à des comités de crédit composés de comptables et de professionnels, et financées par les entreprises et les banques du secteur.

Parallèlement, les entreprises du secteur seraient reliées en réseau de partage d’informations comptables, organisationelles, techniques afin de mutualiser les coûts. Le réseau permettrait également la circulation et le reclassement des travailleurs.

Critique de l’économie sociale et solidaire

Tony Andréani prend appui sur le expériences du secteur de l’économie sociale et solidaire, afin d’en dépasser les limites. Les points positifs en sont selon lui le caractère non lucratif (pas d’actionnaires à rémunérer) et la capacité de fournir un service de qualité à bon prix, selon des principes de solidairité. De plus, les entreprises et associations de ce secteur réussisent le passage à la grande taille, à l’inverse de la plupart des coopératives.

En revanche :

  • elles ne sont pas démocratique pour les salariés, qui n’ont pas de pouvoir de contrôle et de choix des dirigeants.
  • Elles sont en théorie démocratiques pour les sociétaires, mais dans les faits ceux-ci prennent peu part au vote.
  • Elles ont parfois des filiales capitalistes pour recruter des actionnaires. Celles-ci sont gérées comme des entreprises capitalistes (cf l’exemple du Crédit agricole et sa filiale CASA).

L’auteur développe également les réussites et limites des secteurs apparentés, que sont la finance solidaire, le commerce équitable, et les grands groupes coopératifs comme Mondragon .

 

Un premier pas vers le socialisme ?

T.Andréani anticipe -sans y répondre en détail- une objection qu’on pourrait adresser non seulement à son système, mais aussi à de nombreuses expériences autogestionnaires : s’agit-il d’un premier pas vers le socialisme ? En effet, les coopérateurs cherchent à maximiser le revenu de leur travail (et pas celui du capital), sans nécessairement se préoccuper de l’intérêt de la collectivité. Il évoque alors la nécessité, dans un second temps, d’une planification, ou au moins d’incitations publiques pour pallier ce problème.