Entre nos mains : Chronique d’une tentative de SCOP

Entre nos mains : Chronique d’une tentative de SCOP

Le film « Entre nos mains » relate la tentative de reprise en SCOP de l’entreprise Starissima suite au dépôt de bilan de l’entreprise. La cinéaste Mariana Otero va suivre durant trois mois l’histoire de ces ouvrières qui vont, petit à petit, s’approprier un projet de reprise initialement conçu par une équipe d’encadrement. Suite à la défection d’un gros client de l’entreprise, le projet ne se fera finalement pas et l’entreprise sera liquidée. Néanmoins, c’est sur une note optimiste que les salariées ont choisi de conclure ce film pour nous montrer leur espoir dans une appropriation collective du travail, appropriation que d’autres salariés connaîtront assurément.

Il est rare qu’un film portant sur une histoire de SCOP ait été diffusé dans les salles de cinéma. Tel a pourtant été le cas du film de Mariana Otero relatant l’histoire des ouvrières de Starissima. Il s’agissait d’une PME du Loiret réalisant de la lingerie féminine commercialisée par les réseaux de distribution en grandes surfaces. Comme bien d’autres entreprises opérant dans la confection, Starissima dépose le bilan en octobre 2008. Faute de repreneur, quelques cadres commencent à élaborer avec l’Union régionale des SCOP un projet de reprise par les salariées 1.

La réalisatrice Mariana Otero souhaitait suivre un processus de création de SCOP et a choisi d’installer sa caméra dans l’entreprise en mai 2009 sans préjuger de l’issue de cette situation. La première partie du film porte sur le processus qui va conduire les salariées à s’approprier ce projet alors qu’il a été initialement conçu par l’encadrement. Il va notamment falloir convaincre les salariées de la pertinence de cette reprise. Sylvie Nourry, représentante de l’UR SCOP, explique en Assemblée générale les fondements de la SCOP, la nécessité de verser au moins un mois de salaire pour constituer le capital initial de l’entreprise. Petit à petit, la discussion naît dans les ateliers. Les plus réticentes finissent par rejoindre le projet et signer un engagement de souscription au capital.

C’est alors que l’ancien patron se manifeste. Prenant acte du projet des salariées, il propose de diviser en deux l’entreprise : une société qui s’occuperait de la commercialisation qu’il dirigerait et la SCOP exclusivement dédiée à la production. La conclusion de Laurent, le délégué syndical est limpide : « Il veut qu’on travaille pour lui encore ! ». Le 4 juin, en Assemblée générale, le patron, refusant d’ailleurs d’être filmé, tente de convaincre les salariées de son projet. Fin  juin, les salariées refusent la proposition du patron.

Coïncidence ou pas, quelque temps après, Cora, un des trois réseaux de distribution de Starissima décide de déréférencer les produits de l’entreprise.  Ce sont immédiatement 900 000 euros de chiffre d’affaires annuel qui s’évaporent. S’agit-il d’une manœuvre punitive du patron suite au refus de son projet ? Valérie, une des ouvrières émet cette hypothèse. Le film, bien sûr, peut difficilement se prononcer sur cette question. Disons que ce n’est pas une hypothèse absurde. D’après Sylvie Nourry, les deux banques qui soutenaient ce projet ont préféré se retirer suite à cette annonce. Le projet de SCOP est mort-né. La société sera liquidée en janvier 2010.

Pour autant, les ouvrières de Starissima ont elles-mêmes décidé de réaliser une chanson qui résume leur histoire et conclue le film : « Soutiens gorges et culottes, pour les sauver, créons notre SCOP. S comme solidaires, sortir du règlement judiciaire… C comme courageux, on s’en sortira tous victorieux… O comme optimistes… P persévérant. »  L’intensité de ces paroles traduit ce qu’ont vécu ces ouvrières. D’un projet initialement porté par l’encadrement, celui-ci est devenu celui de l’ensemble des salariées. Conçu au départ pour simplement préserver l’emploi, il est devenu un rêve, celui de produire sans patron qui amène très logiquement à refuser d’être le sous-traitant, poings et mains liés, d’une entreprise commerciale. « Mais il a dit non, pas d’argent, la SCOP est réduite à néant… »  On est amer, on a la larme à l’œil mais celles-ci concluent que « de ce projet, on sort grandi. La SCOP ce n’est pas une utopie. Aux entreprises en faillite, ne soyez pas pessimistes. La SCOP est un projet réaliste. D’autres vont peut-être la réussir. » C’est un message très politique qui est adressé à l’ensemble des entreprises en difficulté : la solution passe par la réappropriation de son travail.

Bande-annonce

Chanson d'espoir (partie 1)

Chanson d'espoir (partie 2)

Notes:

  1. La majeure partie du personnel étant féminin, nous dérogerons ici volontairement à la règle qui impose le masculin en cas de mixité.