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Kazova : 100 % coton, 100 laine %, 100 % produits sans patron

« Point un. Une autogestion démocratique entre les membres », voila ce qu’affirme fièrement le site de la toute nouvelle coopérative turque Kazova qui propose des « pulls sans patron ». Un aboutissement de 2 années de lutte pour ces travailleurs  qui se sont retrouvés, en 2013, à la rue en raison des malversations de deux patrons voyous.

 

En janvier 2013, après quatre mois de non-versement de leurs salaires, les 94 salariés de l’entreprise textile Kazova d’Istanbul, fondée en 1946, furent surpris que leurs patrons leur proposent de prendre une semaine de congés. À leur retour, promettaient-ils, les salaires en retard seraient versés. Cependant, la semaine de « vacances » écoulée, qui ressemblait plutôt à un lock-out, ils apprennent, avec stupéfaction leurs licenciements, en raison « d’une absence de plus de trois jours non justifiée ». Face à cette brutale décision, les travailleurs abasourdis sont indécis et hésitent alors sur l’attitude à tenir et le découragement rode. Aymur, une des futurs animatrices de la lutte, propose alors, en vain, l’occupation de l’usine. Profitant de cette période d’incertitude, la direction de l’entreprise commence à vider l’usine et s’empare de 100.000 chandails, 40 tonnes de fil, de plusieurs petites machines, et en sabotent même d’autres. Lorsqu’ils s’en aperçoivent, les travailleurs décident alors de planter leur tente  aux portes de l’entreprise pour prévenir tout nouveau vol et préserver autant que possible leur avenir.

En mai 2013, le fort mouvement autour du parc Gezi de Taksim coïncide avec la mobilisation des Kazovas. L’idée qui germe alors dans l’esprit des travailleurs de fonder leur coopérative n’est certainement pas étrangère à cette mobilisation. Sur leur site, les travailleurs revendiquent aujourd’hui cette filiation : « La Coopérative de textile Özgür Kazova est un des plus importants héritages de la résistance du Parc Gezi de Taksim, en mai – juin 2013. »  Ceylan, 56 ans, qui travaille depuis 13 ans dans l’entreprise, ajoute que « les manifestations de Gezi nous ont stimulés et nous avons eu le courage d’occuper l’usine le 28 juin [2013]. Sans cette expérience, nous n’aurions jamais osé nous dresser devant la police. »

Une longue mobilisation commence, souvent violemment réprimée par la police, mais qui attire également un soutien et une sympathie de plus en plus larges. Des milliers de personnes viennent visiter l’usine occupée par les salariés. Les travailleurs, de plus en plus audacieux, décident de reprendre la production, grâce des stocks oubliés par les patrons brigands. Plusieurs centaines de pulls sont fabriquées. Les premiers sont envoyés à des familles de prisonniers qui les ont soutenus. D’autres sont vendus à Taksim au cours de différents forums et dans différents réseaux de soutien. Les ventes permettent de se payer et d’accumuler des réserves. Mais, le propriétaire des lieux vend les locaux. Par chance, un autre site de production est trouvé avec l’aide du syndicat de camionneurs qui soutient la lutte depuis le début.

En novembre 2014, la décision de fonder une coopérative est actée et un autre volet long et épuisant de la lutte s’ouvre alors sur le terrain judiciaire afin de pouvoir récupérer les machines restantes. En février 2015, la justice décide finalement que les machines doivent être vendues pour payer leurs salaires dus. Mais les salariés préfèrent en devenir propriétaires  en compensation des salaires non versés. Et la production repart de plus belle. Mais la lutte a coûté cher. Ils ne sont, aujourd’hui, plus que onze qui autogèrent la coopérative. Pour Aymur, c’est une nouvelle vie qui commence. Tout en souriant, elle confie qu’« une organisation sans patron, c’est aussi une charge, car la responsabilité collective c’est aussi de prendre les décisions collectivement… et donc apprendre une vie que nous n’avons jamais connue. »

Aujourd’hui la coopérative produit 500 pull-overs par mois, mais pour trouver son équilibre financier, elle doit atteindre les 800 pulls. Ils sont vendus dix fois moins chers que ceux que l’entreprise produisait auparavant qui occupait le segment haut de de gamme du marché. Un des slogans de la lutte était  « Des pulls à un prix abordable pour tous ! ». La promesse a été tenue. La coopérative est en relation avec d’autres coopératives comme VioMe en Grèce, car « Point sept : Solidarité avec les luttes sociales » et de conclure : Vive la production sans patron !

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