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La coopérative de jasmin

Elles sont 9 émigrées sans-papiers des Philippines. Elles se sont réfugiées à New York et se sont retrouvées femmes de ménages, esclaves le plus souvent de la haute bourgeoisie américaine ou de familles de diplomates. Elles viennent de fonder leur coopérative, la Damayan Cleaning Cooperative, le 27 septembre 2015. De l’esclavage à l’autogestion, un grand bond en avant. Le jasmin, fleur nationale des Philippines est leur emblème.

La première coopérative de production américaine détenue par des travailleuses philippines émigrées a été fondée en septembre dernier avec le soutien de Damayan Migrant Workers Association, association de défense des droits de travailleurs émigrés et du Center for Family Life. « Nous sommes fiers de lancer notre propre coopérative. Nous avons créé notre propre entreprise, avec dévouement et ardeur au travail, qui est la propriété de ses membres – des travailleuses philippines émigrées. Nous sommes enthousiastes à l’idée de créer cette entreprise non seulement pour ses membres mais pour défendre des emplois décents pour notre communauté » explique Annie Bello, une des fondatrices de la coopérative.

Cette toute nouvelle coopérative s’ajoute à de nombreuses autres qui essaiment à New York. « La coopérative est un nouveau type de projet important pour notre organisation, remarque Linda Oalican, directrice de la Damayan Migrant Workers Association, elle permet aux travailleurs émigrés qui ont subi l’expérience de l’exploitation et de la marginalisation de créer de nouveaux espaces pour l’organisation des travailleurs et leur propre auto-détermination. »

Esclavage diplomatique

La trajectoire de Judith Daluz  est à l’image des autres nouvelles coopérantes. En 2006, elle arrive clandestinement aux États-Unis avec la promesse que lui a faite un diplomate étranger de l’employer comme femme de ménage pour 1800 dollars mensuels. Elle espère ainsi pouvoir payer les soins de sa fille épileptique et les études de son fils,  tous deux restés aux Philippines. À la veille de son départ, le diplomate lui annonce qu’il ne la paiera plus que 500 dollars. Mais il est trop tard pour reculer. Arrivée à New York, elle connaîtra l’enfer de l’esclavage domestique. Il lui est interdit parler à personne d’autre que les membres de la famille du diplomate et elle travaille 18 heures par jour, sept jours sur sept. Son passeport est confisqué et on menace de dénonciation si elle se plaint. En raison de leur immunité diplomatique, ces abus sont courants dans ces milieux car le ministère de la justice américaine hésite à poursuivre. En 2008, officiellement, 42 procédures judiciaires mettent en cause des diplomates. Ainsi, un membre de la Damayan Migrant Workers Association a pu obtenir, en 2012, le paiement de 24 000 dollars de salaires non payés par l’ambassadeur de Mauritanie. Par chance, Judith Daluz  a pu s’échapper vers un nouvel emploi clandestin à 650 dollars. Lorsqu’elle obtient sa régularisation, peu après, ses enfants la rejoignent.

Si Se Puede! montre la voie

Une des coopératives pionnières qui a ouvert la voie et reste un modèle pour beaucoup est la
Si Se Puede! Women’s Cooperative, coopérative elle aussi de nettoyage, fondée en 2006, avec le soutien du Center for Family Life,  par « des femmes immigrées dans une entreprise dirigée par des femmes, gérée par femmes et écologiste ». Ses membres étaient originaires du Bangladesh, de la République dominicaine et principalement du Mexique  En 2006, elle compte 65 membres et revendique son appellation de Si Se Puede car ce nom, selon elles, « résonne pour beaucoup de membres et a été souvent entendu dans les mouvements pour le changement social et politique entre Amérique du Sud et centrale ». Chaque membre paie 40 dollars mensuels pour les frais de fonctionnement et doit participer activement à la gestion de la coopérative.

New York nouvelle capitale des coopératives américaines ?

En juin 2014, la mairie de New York décide de lancer un programme de 1,2 million de dollars pour développer les coopératives ouvrières, le « Worker Cooperative Business Development Initiative ».  Ce programme est à destination de 11 organisations  qui ont déjà développé des coopératives parmi des travailleurs de couleur à faible revenu, pour leur permettre de devenir leur propre « entrepreneur ». Il a déjà permis la création de 21 nouvelles coopératives en plus des 26 déjà existantes. À la fin de 2016, on prévoit que New York comptera 66 coopératives de production. La Damayan Cleaning Cooperative est l’une entre elles.

Lorsque le projet de fonder la coopérative Damayan Cleaning Cooperative, vingt travailleuses philippines souhaitèrent participer au projet mais elles ne se retrouvèrent que neuf, en raison du temps que demandait la construction du projet. En effet, ce sont douze longues semaines de formation aux méthodes de gestion et d’animation coopératives qu’il fallait suivre en plus de longues réunions pour décider de façon consensuelle la politique commerciale de la société, d’examiner soigneusement la réglementation en vigueur dans le secteur du nettoyage et enfin, pouvoir verser 100 dollars pour les premiers fonds propres. À cela s’ajoutait des séances de formation à l’économie sociale et l’organisation de différentes initiatives militantes pour lever des fonds.

Depuis son ouverture, la Damayan Cleaning Cooperative a gagné un contrat avec la The Nature Conservancy, association à but non lucratif dédiée à la protection de la nature et avec la Brooklyn Community Foundation, fondation publique  qui ont annulé leur précédent engagement avec des sociétés privées de nettoyage.

La coopérative espère avoir assez de contrats pour permettre à ses membres de travailler de 20 à 40 heures par semaine et à plus long terme embaucher. Pour Daluz, il faut que le modèle coopératif aille plus loin que le secteur du nettoyage. Dans l’immédiat, le salaire horaire des coopérantes est de 15 dollars alors que le salaire minimum dans l’État est de 9 dollars. Sur son site la Damayan Cleaning Cooperative revendique être « une entreprise détenue par ses travailleurs dont la mission est de créer des emplois soutenables, justes et corrects pour notre communauté, ses clients et ses membres-propriétaires…. Nous sommes engagés dans la création d’emplois stables et décents par la promotion de la prise de décision démocratique, l’éducation et des salaires décents. »

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