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French30/11/15
Les Éditions Syllepse viennent de publier, en partenariat avec l’Association Autogestion, une encyclopédie internationale de l’autogestion sous la forme d’un livre électronique en format PDF de 2368 pages. Plus de 150 auteur-es ont participé à cet ouvrage comportant plus de 300 articles regroupés en deux parties, l’une relatant les expériences organisées selon un découpage géographique, l’autre faisant part des débats qui traversent ce mouvement multiforme.
À la fois projet, programme et pratique sociale, l’autogestion se fraie un difficile chemin dans l’histoire de l’émancipation.
Mais ce n’est pas seulement la musique d’un avenir incertain qu’elle fait entendre, c’est aussi, au cœur même de la société telle qu’elle est, que se joue la partition de l’autogestion quand des groupements et des mouvements sociaux s’emparent des biens communs et du possible pour modifier les conditions qui leur sont faites.
Cette Encyclopédie internationale de l’autogestion convoque et conjugue la Commune de Paris, la Révolution russe, l’Espagne libertaire de 1936, la Yougoslavie titiste, la Hongrie des conseils ouvriers, l’Algérie de l’indépendance, la Tchécoslovaquie du Printemps, la Pologne de Solidarnosc, la France de Lip, les utopies nord-américaines, les Poder Popular chilien et portugais, le Black Power, Porto Alegre, les révolutions arabes, les bourgeons autogestionnaires chinois, australiens et japonais, le Venezuela, les contre-plans, les mineurs du Pays de Galles, les alternatives, les chantiers navals de la Clyde, l’immense volcan autogestionnaire sud-américain, le zapatisme, les biens communs, la transition énergétique et écologique, le féminisme, l’école et la culture, la ville, la Grèce des mémorandums, les récupérations d’entreprises de France, d’Italie, de Croatie, et bien entendu d’Argentine, du Brésil et d’Uruguay…
Boîte à outils et boîte à idées, ébauche de débats sans « modèle » ni point de vue unifié, voilà ce que se veulent les quelque 2 368 pages de cette Encyclopédie.
Composée de 300 entrées rédigées par 150 auteur(e)s venu(e)s de nombreux pays, l’Encyclopédie couvre les cinq continents, 35 pays et court de 1848 à aujourd’hui.
Il s’agit d’un projet international de grande ampleur, multilingue et de longue haleine, puisque d’ores et déjà de nouvelles éditions sont en préparation par un conseil éditorial international.
Ce fichier PDF peut être acquis au prix de 15 euros sur le site des éditions Syllepse.
A télécharger : Introduction + table des matières
Association Autogestion
30 novembre 2015
http://www.autogestion.asso.fr/?p=5636AuthorsΝαιΝαιNoΌχι -
French16/11/15
Chers amis,
À la suite de la bataille juridique menée contre le collectif des travailleurs de VIOME, le syndic nommé par l’État est en train d’organiser différentes ventes aux enchères dans le but de liquider la parcelle de terrain sur laquelle est située l’usine de VIOME. Une éventuelle vente du terrain fournirait la base juridique pour expulser les travailleurs de l’usine.
Bien que les travailleurs et l’assemblée de soutien soient décidés à rester sur leur position et à défendre l’usine contre toute éventualité, le processus de vente aux enchères représente une menace et exige une mobilisation afin d’être empêché. Une première étape consiste à bloquer, par l’action directe, la première vente aux enchères qui est programmée pour le 26 novembre. Voilà pourquoi nous nous adressons à vous pour vous demander de l’aide et une mobilisation pour faire pression sur le gouvernement afin de satisfaire les revendications de longue date des travailleurs de VIOME pour la légalisation de leur activité, en expropriant l’usine au profit de la coopérative des travailleurs de VIOME, qui fonctionnera d’une manière horizontale et autogérée, comme elle l’a fait depuis trois ans maintenant.
Nous appelons à une semaine internationale de solidarité, du 17 au 24 Novembre.
1- Nous vous invitons à signer la résolution en pièce jointe et à envoyer vos coordonnées à protbiometal@gmail.com, ou mieux encore, à remettre la résolution signée à l’ambassade ou au consulat grec le plus proche, en exigeant qu’elle soit transférée au ministère grec du Travail.
2- Tous les actes de solidarité internationale, en particulier ceux qui impliquent une action directe non-violente à l’égard des ambassades grecques dans le monde entier, sont les bienvenus.
3- Nous vous invitons à organiser des projections du documentaire de 30 minutes par D.Azzellini et O.Ressler, expliquant la lutte des VIOME à travers les interviews et assemblées (sous-titres anglais inclus).
Vous pouvez télécharger une version de bonne qualité du documentaire ici (407 Mo) :
https://www.dropbox.com/s/qxav19zv3gewn0h/Occupy%20Resist%20Produce%20-%20VIOME%20%28Eng%20Subs%29.mp4?dl=04- Vous pouvez nous envoyer des annonces de vos événements, et / ou des photos à télécharger sur le site de VIOME, à protbiometal@gmail.com
Résolution que vous pouvez envoyer à l’ambassade de Grèce à Paris, 17 rue Auguste Vacquerie, 75116 PARIS et/ou à protbiometal@gmail.com
Après avoir été abandonnée par les employeurs, l’usine de VIOME a fonctionné depuis quasiment trois ans sous contrôle ouvrier en autogestion par l’assemblée des travailleurs. Elle constitue aujourd’hui une lutte emblématique, qui démontre que la vraie réponse à la crise qui laisse des millions d’individus dans la pauvreté et le chômage est l’émancipation des travailleurs et un redressement productif basé sur l’initiative et la créativité de la société. Les travailleurs de VIOME, à travers la fabrication de produits ménagers dans les locaux de l’usine occupée, ont proposé un nouveau mode de production qui répond aux besoins de la société, contre les relations d’exploitation du travail et le besoin infini d’accumulation du capital.
Malheureusement, en dépit des promesses des gouvernements successifs de régulariser cet exemple intéressant d’autogestion ouvrière, les travailleurs de VIOME font face à des procédures juridiques qui pourraient mener à la liquidation des locaux de l’usine et menacer la poursuite de la production.
Nous, collectifs et individus soussignés, soutenons la lutte des travailleurs de VIOME pour l’emploi, la dignité et la liberté, contre un système judiciaire qui sert aveuglément les intérêts des puissants.
Nous les soutenons dans leur décision de défendre leurs efforts de production par tous les moyens possibles.
Nous prévenons les autorités grecques et les puissants intérêts d’affaires qui s’opposent à la lutte de VIOME qu’une attaque contre VIOME constitue une attaque contre nous tous.
Nous demandons au gouvernement grec d’arrêter la mise aux enchères des locaux de VIOME et de présenter une solution définitive en expropriant les terrains et en les confiant aux travailleurs, à la condition que l’usine continue de fonctionner sous contrôle ouvrier et en horizontalité dans les prises de décisions.
Nous indiquons clairement que nous ne permettrons à personne de reprendre l’usine à ses propriétaires légitimes que sont les travailleurs et la communauté en général. Nous soutiendrons cette lutte dans toutes ses étapes futures.
Les travailleurs de VIOME l’emporteront car ils se battent pour une juste cause de dignité et d’autodétermination !
Récents développements de la lutte des travailleurs de VIOME
Chers amis,
Nous souhaitons vous informer des récents développements de la lutte des travailleurs de VIOME.
Comme vous le savez, cela fait maintenant quatre ans que nous nous battons pour nos vies et notre dignité. Nous, en tant que travailleurs, avons décidé de faire des alliances sociales. Nous avons rejeté les propositions faites par différentes organisations politiques d’avoir une relation exclusive avec notre lutte et de l’orienter sur des critères étroits et partisans. Ceci étant, nous avons toujours accepté toute invitation pour parler et communiquer.
Quand une grande partie de la société a décidé de s’engager à nos côtés et de nous soutenir par différents moyens disponibles, un grand réseau de solidarité s’est créé. Nous avons ainsi construit des relations de confiance, avec des assemblées communes où la communauté large pouvait participer et où nous prenions ensemble des décisions sur la conduite politique de la lutte ou d’autres questions.
De nombreuses organisations politiques ont été d’accord avec le principe politique que nous avons établi d’une alliance avec de large franges de la population. Jusqu’à ce jour, ils ont soutenu nos efforts pour faire fonctionner l’usine sous contrôle ouvrier et en autogestion par l’assemblée des travailleurs.
Syriza était une des forces politiques qui ont soutenu notre combat, par des prises de position et des engagements pour une solution immédiate en faveur du fonctionnement de l’usine, certaines faites par l’actuel premier ministre en personne.
Évidemment, depuis que Syriza est arrivé au gouvernement, ses prises de position et engagements sont devenus de plus en plus vagues. La détermination qu’ils ont montrée lorsqu’ils étaient dans l’opposition a été remplacée par une certaine timidité et des propositions pour que nous fassions des compromis dans un cadre autre que celui sur lequel nous nous étions mis d’accord.
Après huit mois de gouvernement, leur grande “réussite” a été de soumettre la lutte de VIOME aux aléas du système judiciaire. C’est ce même système judiciaire qui après avoir condamné l’ancienne propriétaire de VIOME, Christina Philippou, à des dizaines de mois de prison, lui a permis en échange de réaliser du travail communautaire pour une municipalité avec qui elle avait des relations “privilégiées”. À ce jour, elle ne s’est jamais présentée pour réaliser ces travaux d’intérêt général.
Le premier gouvernement de gauche nous a laissé dans les mains d’un système judiciaire qui permet à ceux qui ont abusé et détruit la société grecque il y a cinq ans d’être libres sans jamais prendre de décision pour les punir.
Le parti pris politique des juges est évident à travers les décisions qu’ils ont prises à ce jour : ils ont été jusqu’à dire que nous n’avions aucun droit légitime de réclamer l’argent que nous devaient nos anciens employeurs ! À toutes nos demandes de restitution d’argent, par le biais de la saisie de la propriété de Philkeram et en nous autorisant à relancer l’usine par nous-mêmes, nous avons toujours reçu la même fin de non-recevoir.
Et bien sûr, ils ne prennent aucune décision pour trouver une solution pour relancer l’usine. C’est ainsi que nous, les travailleurs, avons décidé de rester sur place afin d’éviter le chômage.
D’après une récente décision de la cour, le terrain où se trouvent les locaux de VIOME sera mis aux enchères ce jeudi 26 novembre 2015 et les trois jeudis suivants. En cas d’absence d’acheteur, ils continueront ce processus jusqu’à ce qu’ils trouvent un acheteur, ce qui nous expulsera des lieux.
Ce terrain est constitué de quatorze parcelles, certaines ayant été données directement ou indirectement par le gouvernement grec à l’ancien propriétaire Phillipou en contrepartie de la création d’emplois. Ils sont maintenant aux enchères pour satisfaire les créanciers de Philkeram, la maison-mère de VIOME : le trésor public, la sécurité sociale, les anciens travailleurs de Philkeram, les banques et les fournisseurs.
Les locaux de VIOME représentent un septième de la surface totale du terrain et la zone sur laquelle ils sont situés peut aisément être séparée du reste du foncier de Philkeram. Mais les salariés de VIOME n’ont jamais été mentionnés dans la procédure de faillite alors que VIOME était une filiale de Philkeram, conduite à la perte par la faillite de la maison-mère. VIOME a été complètement négligée, alors que la mauvaise gestion de la famille Phillipou, qui a transféré des fonds appartenant à VIOME et l’a endetté pour ses besoins personnels, était largement responsable de cette faillite. Ceci a été démontré dans une étude réalisée par Deloitte qui concluait à la possibilité de maintenir le fonctionnement normal de ces deux entreprises.
Le système judiciaire s’est montré une fois de plus en accord avec les forces du capital et a rendu des jugements contre les travailleurs qui réclamaient le droit au travail. Et bien sûr, l’État n’a pas bougé face au défi de trouver des solutions.
Pour cette raison, nous, les travailleurs de VIOME, invitons tous ceux qui se sont tenus à nos côtés durant ces années de lutte, à être présents ce mardi 26 novembre à la mise aux enchères des terrains, afin d’empêcher de nous expulser de l’usine VIOME, un lieu que nous avons, depuis deux ans, réussi à transformer en espace de travail et de liberté.
Nous vous invitons à vous tenir à nos côtés, à soutenir tous les efforts des travailleurs pour rendre les forces de production autonomes de la classe capitaliste, une classe qui a délocalisé toute la production à l’étranger.
Nous vous invitons à soutenir le fonctionnement de l’usine, depuis que nous, les travailleurs, avons décidé de ne pas la quitter car nos vies sont désormais liées à cette usine.
Nous vous invitons à être à nos côtés, afin d’affirmer qu’une solution existe au-delà des avis des “experts” : aujourd’hui cette solution se trouve avec ceux qui sont directement impliqués dans la lutte et pas avec les sommités.
En solidarité,
L’assemblée générale des travailleurs de VIOME
Association Autogestion
16 novembre 2015
http://www.autogestion.asso.fr/?p=5582Ανακτημένες Επιχειρήσεις, Vio.Me., VIOME, 21ος αιώνας – Εργατικός Έλεγχος στη Σύγχρονη Εποχή, Ελλάδα, ΕυρώπηAuthorsΝαιΝαιNoΌχι -
Italian15/11/15La lettera aperta dei lavoratori della Viome che spiega gli ultimi sviluppi della vertenza annunciando la mobilitazione per il 26 novembre, giorno in cui sarà bandita l'asta per la fabbricaNell'indifferenza del governo di Syriza dopo le promesse elettorali, i lavoratori denunciano le complicità tra potere giudiziario e padroni corrotti e lanciano la mobilitazione in difesa della Viome per il prossimo 26 novembre.
A tutti i nostri sostenitori e solidali, con questa lettera vi informiamo sugli ultimi sviluppi della lotta dei lavoratori della VIOME.
Come sapete, sono ormai quattro anni che lottiamo per la nostra vita e la nostra dignità. Come lavoratori abbiamo scelto di creare alleanze sociali e rifiutato le proposte delle varie organizzazioni politiche volte a creare un rapporto "esclusivo" con il nostro percorso di lotta per indirizzarlo secondo logiche partitiche. Nonostante tutto, abbiamo sempre accettato ogni invito a parlare e a comunicare. Quando gran parte della società si è schierata al nostro fianco supportandoci, abbiamo creato una fitta rete di solidarietà che ci ha permesso di costruire delle relazioni basate sulla fiducia, grazie ad assemblee pubbliche a cui partecipa anche la comunità allargata di cui facciamo parte e dove vengono prese decisioni comuni sulla direzione politica della nostra lotta, così come su altri aspetti.
Molte organizzazioni politiche condividono la struttura politica che abbiamo messo in piedi di concerto con il resto della comunità, e ad oggi sostengono attivamente i nostri sforzi per il controllo della produzione e per l'autogestione della fabbrica da parte dell'assemblea dei lavoratori. Tra le varie forze politiche che sostenevano la nostra lotta, SYRIZA ha espresso il proprio sostegno e la propria solidarietà tramite le dichiarazioni e gli impegni ufficiali dell'attuale Primo Ministro verso una soluzione immediata per l'operabilità della fabbrica. Ovviamente, una volta ottenuto il potere politico, queste dichiarazioni e questi impegni ufficiali da parte di SYRIZA sono diventati sempre più vaghi. La determinazione mostrata in campagna elettorale è stata sostituita dalla timidezza e dalle richieste di sottostare a compromessi in un contesto completamente differente da quello concordato.
Il loro grande "risultato" dopo otto mesi di governo è stato quello di abbandonare la lotta della VIOME ai complotti del sistema giudiziario. Quello stesso sistema giudiziario che, nonostante la condanna a svariati mesi di reclusione, permette alla vecchia proprietaria della VIOME, Christina Philippou, di circolare liberamente con il pretesto di dover svolgere lavori di utilità sociale in una municipalità con la quale ha forti "contatti". Ad oggi, non si è ancora mai presentata nel luogo in cui avrebbe dovuto svolgere tali lavori.
Un sistema giudiziario che lascia in libertà coloro che hanno abusato e distrutto la società greca per cinque anni, senza intraprendere alcuna azione legale nei loro confronti. Il "primo governo di sinistra della nostra storia" ci lascia nelle mani di questo sistema giudiziario. La visione politica dei giudici emerge chiaramente dalle decisioni prese fin'ora, arrivando fino al punto di affermare che non abbiamo nessun diritto legittimo di pretendere il pagamento delle somme arretrate da parte dei nostri ormai ex-datori di lavoro! Ogni nostro tentativo per esigere le somme dovute, sia tramite l'intervento dei proprietari della Philkeram che tramite la richiesta di far ripartire la produzione nella fabbrica, ha ricevuto sempre la stessa risposta.
Ovviamente, non intraprendono alcuna azione per trovare una soluzione all'operatività della fabbrica e permetterci, a noi lavoratori che abbiamo deciso di restare, di evitare la disoccupazione. Secondo la decisione presa dal tribunale, l'intero lotto di terra su cui ricade la VIOME verrà battuto all'asta giovedì 26 Novembre 2015 e per i successivi tre giovedì. Nel caso in cui non venisse trovato un compratore, l'asta proseguirà ad oltranza fino a che non si riuscirà a vendere il terreno, sfrattando di fatto i lavoratori dalla fabbrica. L'appezzamento di terra in questione è composto da 14 lotti separati, alcuni dei quali donati direttamente o indirettamente dal governo greco alla vecchia proprietaria Phillipou come riconoscimento per il "contributo sociale" derivante dalla creazione di posti di lavoro. Ora, vengono messi all'asta per soddisfare i creditori della società madre della VIOME, la Philkeram, l'Ufficio delle Imposte, l'Ufficio di Previdenza Sociale, ex-dipendenti della Philkeram, banche e fornitori.
I locali della VIOME occupano circa 1/7 del totale dell'appezzamento e l'area in cui ricade potrebbe essere facilmente scorporata dal resto della proprietà Philkeram. Però i lavoratori della VIOME non vengono mai nominati all'interno del procedimento per bancarotta, nonostante la VIOME fosse una società partecipata della Philkeram portata al fallimento proprio dalla bancarotta della società madre. LA VIOME viene completamente ignorata, nonostante la responsabilità nella bancarotta della cattiva gestione da parte della famiglia Phillipou, che ha trasferito fondi dalla VIOME e l'ha sommersa di debiti per il proprio tornaconto personale. Questo è un dato di fatto, come dimostrato nello studio eseguito dal gruppo DELOITTE che afferma come ci fossero le condizioni per una normale operatività di entrambe le compagnie.
Il sistema giudiziario si schiera ancora una volta dalla parte del capitale, deliberando contro chi rivendica il diritto al lavoro. Ed ovviamente lo Stato non affronta la sfida di fornire delle soluzioni.
Per queste ragioni noi, i lavoratori della VIOME, invitiamo tutti coloro che sono stati al nostro fianco durante questo periodo di lotta ad essere presenti giovedì 26 Novembre all'asta per il terreno e fermare il loro progetto di cacciare i lavoratori dalla VIOME. Uno spazio che ormai da due anni abbiamo trasformato in un posto di lavoro e di libertà.
Vi invitiamo a schierarvi con noi nel sostenere ogni sforzo dei lavoratori per rendere autonome le forze produttive dalla classe dominante capitalista, che ha già comunque delocalizzato gran parte della produzione all'estero. Vi invitiamo a sostenere la fabbrica visto che noi, i lavoratori, abbiamo dichiarato che non ce ne andremo e che le nostre vite sono ormai legate a questa fabbrica.
Vi invitiamo mettervi al nostro fianco, così da poter affermare tutti insieme che una soluzione è possibile anche oltre il giudizio degli "esperti": questa volta la risposta verrà da chi è direttamente coinvolto nella lotta!
In solidarietà,
Assemblea generale dei lavoratori della VIOMEFonte: http://www.viome.org/2015/10/a-call-for-support-of-struggle-of-viome.html
Traduzione: DinamoPress / AC
Pubblicato da Dinamo Press, novembre 2015.
http://www.dinamopress.it/news/la-viome-va-allasta-i-lavoratori-rilancia...Lavoratori della VioMe, Καταλήψεις Χώρων Εργασίας, Ανακτημένες Επιχειρήσεις, Κοινωνικοί Αγώνες, Αλληλέγγυα Οικονομία, VIOME, Εργατικός Έλεγχος, 21ος αιώνας – Εργατικός Έλεγχος στη Σύγχρονη Εποχή, Ελλάδα, ΕυρώπηTopicΝαιΝαιNoΝαι -
Spanish15/11/15
Resumen
Esta investigación, en progreso, se propone caracterizar la participación de los trabajadores promovida en la industria siderúrgica de la región Guayana, Venezuela. Los referentes que sustentan esta investigación se orientan a las categorías de participación de los trabajadores en la toma de decisiones en empresas bajo dos vertientes principales en estudio: la democracia industrial y la gestión o dirección participativa. La investigación se desarrolla bajo una estrategia de acompañamiento a los trabajadores de las mesas de trabajo, en el marco de la Investigación Acción Participativa (IAP), en particular la Sistematización de Experiencias. La ejecución de talleres de formación – investigación con la estrategia de grupos focales facilitó el intercambio de información. El período considerado, para esta fase, se refiere a los encuentros e intercambios entre octubre 2011 y marzo 2012. Los resultados de la sistematización de experiencias de participación en la Siderúrgica del Orinoco (SIDOR) se enmarcan en dimensiones asociadas al origen de la participación, las formas de participación y niveles alcanzados, distinguiendo la participación directa de la indirecta. Los productos de la sistematización comprenden el diseño del taller sobre Participación Directa, un documento síntesis y una presentación para comunicar la experiencia..
Palabras clave: Participación directa, mesas de trabajo, sistematización de experiencias, SIDOREn: Strategos, Año 5, N°10 (Enero - Junio 2013), pp.5-10.
Βιομηχανική Δημοκρατία, Milagros Cova y Jesús Dávila, Εθνικοποίηση / Απαλλοτρίωση, 21ος αιώνας – Εργατικός Έλεγχος στη Σύγχρονη Εποχή, ΒενεζουέλαTopicΝαιΝαιNoΌχι -
English12/11/15Against the imminent threat of liquidation, the workers of VIOME appeal for international solidarity.
Dear solidarity supporters,
We would like to inform you of the latest developments in the struggle of the workers of VIOME.
As you know, for four years now we have been fighting for our life and dignity. We, the workers, have chosen to create social alliances. We have rejected the proposals made by various political organizations to have an "exclusive" relationship with our struggle and direct it following narrow partisan criteria. Nevertheless, we have always accepted all invitations to speak and communicate.
When large parts of society decided to stand by us and support us with whatever means they had available, a large network of solidarity was created. Consequently we managed to build relationships of trust, through common assemblies were the wider community can participate, where together we make decisions on the political course of the struggle, as well as on many other issues.
Many political organizations agreed with the political framework that we, together with the wider community, have set. To this day they support our effort to operate the factory with workers’ control of production and self-management by the workers’ assembly.
Among the political forces that supported our struggle was SYRIZA, through statements and commitments for an immediate solution to the issue of operation of the factory, made by the current prime-minister himself.
Of course, after SYRIZA came to power, the statements and the commitments became more and more vague. The determination they demonstrated when they were in opposition was replaced by timidity, and by proposals that we make compromises in a different framework than what we had previously agreed upon.
Their great “achievement” after eight months in government is to abandon the struggle of VIOME to the machinations of the judicial system. The same judicial system that, despite having condemned former owner of VIOME Christina Philippou to dozens of months in prison, allows her to walk free, supposedly to do community service at a municipality where she has strong "connections". To this day, she has never showed up at the place where she is supposed to do community work.
The “first ever left-wing government” leaves us in the hands of this judicial system. A judicial system that allows those who have abused and destroyed the Greek society for five years now to walk free, never taking any action to punish them.
The political standpoint of the judges is evident through the decisions they have made up to this moment: they have gone as far as saying that we have no legitimate right to demand the money owed by our former employers! In all our attempts to claim our money, both by intervention of the property of Philkeram, and by demanding to operate the factory again, we have received the same answers.
And of course, they have not taken any action to find a solution for the operation of the factory, so we, the workers who have decided to stay on, can escape unemployment.
According to the court decisions, the unified plot of land where the VIOME premises are located is to be auctioned on Thursday November 26, 2015, and for three consecutive Thursdays thereafter. If no interested buyer is found, they will continue with the process until they are able to sell the land, therefore evicting us from the factory.
This land consists of fourteen separate plots, some of which were directly or indirectly donated by the Greek government to former owner Phillipou in recognition of the "social contribution" of job creation. Now they are being put to auction to satisfy the creditors of VIOME’s parent company Philkeram: the Inland Revenue Office, the Social Insurance Service, former workers of Philkeram, banks and suppliers.
The premises of VIOME represent about 1/7 of the total land, and the area in which it lies could easily be separated from the rest of Philkeram’s real estate. But the employees of VIOME are never mentioned in the bankruptcy proceedings, even though VIOME was a subsidiary of Philkeram, driven to destruction by the parent company’s bankruptcy. VIOME is completely neglected, although the mismanagement of the Phillipou family, who transferred funds from VIOME and overburdened it with debt for their personal gain, was largely responsible for the bankruptcy. This is a proven fact, since a study by consultants DELOIT concluded there was capacity for normal operation for both companies.
The judicial system once again sides with the forces of capital and makes rulings against the workers who assert the right to work. And of course, the state does not face up to the challenge of providing solutions.
For this reason, we, the workers of VIOME, invite all of you, who have been standing beside us throughout this time of struggle, to be present on Thursday November 26 in the auction of the land, to abort their plan to evict us from the VIOME factory. A space that we have, for two years now, managed to turn into a place of work and a place of freedom.
We invite you to stand beside us, to support every effort of the workers to make the forces of production autonomous from the capitalist class, a class which anyway has delocalised all production abroad.
We invite you to support the operation of the factory, since we, the workers, have declared that we are not leaving, that our lives are now linked to this factory.
We invite you to stand beside us, so we can affirm all together that a solution exists beyond the advices of the “experts”: this time around, the solution lies with those who are directly involved in the struggle, not with the luminaries.
in solidarity,
the general assembly of the workers at VIOME
Reprinted from the international site of VIOME Solidarity Initiative.
Ανακτημένες Επιχειρήσεις, VIOME, VIOME workers' collective, Εργατική Αυτοδιαχείριση, 21ος αιώνας – Εργατικός Έλεγχος στη Σύγχρονη Εποχή, Ελλάδα, ΕυρώπηTopicΝαιΝαιNoΌχι -
Spanish06/11/15
Solidaridad, debate, calor, salsa, autogestión… Amuay, Punto Fijo, Estado de Falcón, República Bolivariana de Venezuela. Del 22 al 25 de julio se ha realizado en ese marco incomparable, y en esa vibración de lo real, el V Encuentro Internacional La Economía de los Trabajadores, organizado por diversas iniciativas académicas y militantes como el Programa Facultad Abierta de la Universidad de Buenos Aires o la red internacional de activistas Workerscontrol, pero, sobre todo, íntimamente relacionado con una realidad efectiva que sustenta todo un nodo de posibilidades en la dinámica de la transformación social: las empresas recuperadas que, hoy en día, se extienden ya por buen aparte de América Latina e, incluso, más allá.
Hablo de una vibración de lo real, porque el Encuentro no es tan sólo una sucesión de paneles de alta calidad, en la que expositores de ámbito global, cuentan sus experiencias o abren debates necesarios, sino que además, las Jornadas implican una convivencia, un compartir espacios, músicas, anhelos. Junto a las salas donde se celebran las conferencias y las mesas redondas, están también los lugares donde se convive, y donde los compañeros del restaurante recuperado bonaerense Los Chanchitos, tras la plétora de debates y actividades y con el permiso de la propietaria del hostal, asan un cerdo comprado entre todos para el deleite de los presentes.
Pero volvamos al Encuentro: en esta ocasión han participado cientos de personas provenientes de cerca de 20 países, desde Sudáfrica a la mayor parte de las naciones de América Latina. Hay que resaltar, además, que la representación europea ha sido la mayor que hasta la fecha se ha dado en este tipo de Encuentros Internacionales: estuvieron presentes, junto a quien escribe estas líneas (único representante de la Península Ibérica), los delegados de las recuperadas italianas Officine Zero y Rimaflow, así como de la Asociación Autogestión y del sindicato Solidaires de Francia, de donde también acudieron representantes de la Fabrique Du Sud, un emprendimiento recuperado en Carcasonne, dedicado a la fabricación de helados.
Latinoamericanos de recuperadas como la Cooperativa 19 de diciembre, el periódico de Villa María, la imprenta Chilavert (todos ellos de Argentina), trabajadores de la fábrica recién recuperada Brahma (en Venezuela), académicos mexicanos, brasileños, trabajadores uruguayos, chilenos, wobblies venidos de los Estados Unidos, de donde también vino un representante de una fábrica recuperada de Chicago…Estos Encuentros dan fe de la existencia de una alternativa real al neoliberalismo, así como de los afanes y del incansable trabajo de las personas de buena voluntad a través del Globo.
Mientras el Capital se desgañita por sobrevivir a la crisis multidimensional que ha desatado, mientras la devastación avanza sobre las amarguras del capitalismo senil, en todas las partes del globo, los trabajadores y trabajadoras tratan de poner en funcionamiento una nueva forma de producir, las bases de una nueva arquitectura global.
El hilo conductor es la autogestión, es decir, que los propios productores sean dueños de decidir sobre su propio trabajo y dirijan, ellos mismos, las actividades productivas.
Un alternativa que está labrando su propio camino más allá de los rutilantes centros mediáticos, un camino que se construye desde los consejos comunales venezolanos a los asentamientos del Movimiento de los Sin Tierra brasileño, desde las iniciativas que mantienen la llama libertaria, actualizándola a nuevos tiempos, en América Latina, como la Biblioteca Popular José Ingenieros de Buenos Aires, hasta los programas combativos de radios comunitarias como La Boca FM, en la capital argentina, o Al Son del 23, en Caracas.
Solidaridad que traspasa las fronteras, pero no sólo las nacionales, sino también las ideológicas, de raza, de género…Gentes del marxismo revolucionario, del peronismo más popular, del chavismo de comuna y de consejo de trabajadores, del cristianismo de base, del ecologismo social y algún que otro que nos la dábamos de libertarios aperturistas y no dogmáticos.
El nuevo socialismo se está construyendo, en estos inicios del siglo XXI, desde estas atalayas, en esta mixtura impura y mestiza, en este eco de voces plurales y creativas. Donde ya no hay una verdad de repetición e imitación acrítica, sino una búsqueda insomne, una dinámica de prueba y error sobre la base de la cooperación y la solidaridad, una atención a las raíces que no es dogma sino nutrición, un anhelo de lo nuevo que no es superficial seguidismo delas modas, sino intento de mejora y construcción colectiva.
Y la solidaridad es algo más que una palabra, en estos Encuentros, como lo demuestra la iniciativa de los trabajadores de la empresa recuperada argentina Textiles Pigüé, de colaborar para la concreción de una cadena productiva que vincule productores de algodón argentinos con trabajadoras que confeccionan prendas de vestir en la región de la península de Paraguaná, en el estado venezolano de Falcón.
Una red internacional que también está contribuyendo a generar un nuevo discurso, como prueba la puesta en marcha de la colección de libros “La Economía de los Trabajadores”, por parte de Ediciones Continente-Peña Lillo (Argentina) en estrecha colaboración con el programa Facultad Abierta de la Universidad de Buenos Aires dedicado a las empresas recuperadas. En esa colección, confeccionada físicamente incluso por imprentas recuperadas, podemos encontrar autores del todo el Globo, y debates sobre la autogestión, la narración de historias de empresas concretas (como Textiles Pigüé) o volúmenes imprescindibles para conocer las transformaciones del trabajo, tanto en el Centro como en la Periferia del sistema global.
Hay algo nuevo que se mueve bajo la superficie, que ocupa los intersticios, los “poros” del sistema global del Capital. Es el hálito de los pueblos y los trabajadores, que empiezan a levantar sus propias alternativas y a romper la costra de desesperanza con la que el neoliberalismo quería sepultarles.
Publicado en Kaosenlared
5 de noviembre 2015
Αργεντινή, José Luis Carretero Miramar, Εργατική Αυτοδιαχείριση, 21ος αιώνας – Εργατικός Έλεγχος στη Σύγχρονη Εποχή, Γαλλία, Βενεζουέλα, ΙταλίαTopicΝαιΝαιCurrent DebateΌχι -
French05/11/15
C’est le troisième documentaire d’une série sur les usines autogérées d’Europe réalisée par les producteurs militants Dario Azzellini et Oliver Ressler. Les deux autres sont :
Occuper, résister, produire : RiMaflow
Occuper, résister, produire : Officine ZeroProducteur et réalisateur : Dario Azzellini et Oliver Ressler
Prises de vue : Thomas Parb et Bernhard Mayr
Perchiste : Roberto Polenta, Oliver Ressler
Montage : Dario Azzellini et Oliver Ressler
Conception sonore, bande-son et corrections des couleurs : Rudolf Gottsberger
Remerciements à Alioscia Castronuovo, Elisa Gigliarelli, Francesco Raparelli et Marina Sitrin
Ce projet a été partiellement financé par le Fonds autrichien des sciences (FWF) AR 183-G21.
Co-production: Neuer Berliner Kunstverein (n.b.k.)
Nos remerciements pour le soutien de l’Université Johannes Kepler de Linz, Austrichewww.azzellini.net
www.ressler.at
Vous êtes libres d’organiser des projections locales et d’utiliser ces films dans un but non lucratif.Association Autogestion
2 novembre 2015
http://www.autogestion.asso.fr/?p=5535Dario Azzellini & Oliver Ressler, Ανακτημένες Επιχειρήσεις, VIOME, 21ος αιώνας – Εργατικός Έλεγχος στη Σύγχρονη Εποχή, Ελλάδα, ΕυρώπηTopichttps://www.youtube.com/embed/2Fg2akSUvFMΝαιΝαιNoΌχι -
French02/11/15
« Une partie des mouvements sociaux ne se limitent pas à la défense de l’emploi et à l’augmentation des salaires ou bien à la consommation mais ils essaient d’aller au-delà et cherchent, soit par conviction ou par nécessité, à dépasser le lien de subordination que leur a assigné la société » (Zibechi, 2010).
Le mouvement des entreprises récupérées par les travailleurs uruguayens s’inscrit dans une tradition de luttes pour « l’émancipation économique et sociale »1. Il puise ses racines dans l’histoire du mouvement ouvrier qui, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, a su articuler la formation de syndicats et la constitution d’un mouvement coopératif puissant. Tout au long de son existence, le mouvement coopératif a su conserver une indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. Il existe près de 300 coopératives de travail en Uruguay2 (Guerra, 2013 : 28).
La récupération d’entreprises par les travailleur-e-s (ERT) sous la forme coopérative n’est pas une nouveauté dans l’histoire économique uruguayenne. En remontant dans l’histoire des coopératives, nous trouvons des antécédents qui remontent au milieu du XXe siècle. Il est donc possible de parler de processus historique dans ce pays, même s’il intervient principalement dans des périodes de crise.
Si le phénomène de récupération d’entreprises reste limité d’un point de vue quantitatif, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un mouvement important avec des unités de production stratégiques dans la sphère productive et l’économie du pays. L’importance de ces expériences autogestionnaires ne saurait se réduire au nombre d’entreprises et de travailleurs impliqués mais bel et bien dans la portée symbolique que comporte l’autogestion ouvrière (Riero, 2012).
En cohérence avec la culture ouvrière uruguayenne, il est parvenu à se structurer ces dernières années et à devenir un interlocuteur des pouvoirs publics et à nouer des relations étroites avec la centrale syndicale. Il a également participé à une tentative de fédérer les organisations autogestionnaires avec une visée de transformation sociale sur des bases de l’autogestion.
Il est de coutume de dire que l’Uruguay vit au rythme du grand voisin argentin (dictatures, crises économiques, etc.). D’ailleurs, quand survient la crise de 2002, les effets sont comparables et un nouveau processus de récupérations d’entreprises par les travailleurs s’amorce. Mais le pays n’en possède pas moins des particularités et cultive sa singularité. En effet, le processus uruguayen se distingue historiquement de ses homologues argentin et brésilien et dans l’approche politique et syndicale : il a bénéficié, et tout particulièrement dans la dernière période, d’un soutien des pouvoirs publics et notamment de l’État à travers la mise en œuvre de politiques publiques favorables ; les syndicats ont joué un rôle fondamental, en étant parfois à l’initiative et en soutien à la création de coopératives.
Un processus historique
Les chercheurs Martí, Thul & Cancela, qui ont travaillé à partir des archives de la Fédération de coopératives de production d’Uruguay (FPCU)3, distinguent trois étapes historiques de la récupération. La première est liée à la crise du modèle d’industrialisation confrontée aux importations, elle se situe entre le milieu des années 50 et le début des années 70. La seconde résulte de la crise de la dette externe et de la politique d’ouverture, elle se situe entre le début des années 80 et les premières années de la décennie 90. La dernière est en relation avec la crise du modèle néolibéral et se situe entre la fin des années 90 et aujourd’hui (Martí y al, 2013). Dans cette version, nous nous limiterons à décrire cette dernière étape.
A partir de 1998, l’économie uruguayenne entre en récession et en 2002 la crise affecte l’ensemble de l’économie nationale. Dans ce contexte, plusieurs processus de récupération d’entreprise s’amorcèrent. Entre 1997 et 2004, une vingtaine d’entreprises en faillite furent récupérées par les travailleurs et transformées en coopérative. Il s’agissait principalement d’entreprises du secteur industriel. Citons notamment : la COLASE (1997) dans le secteur de l’alimentation, Uruven (1997) dans le cuir, Molino Santa Rosa (1998) et COFUESA (2000) dans l’alimentation, COOPIMA (2000) et COOPDY (2001) dans le textile, FUNSACOOP (2002) dans le caoutchouc avec 240 travailleurs, INGRACO (2002) dans l’imprimerie et Victoria (2004) dans les services.
Évoquons deux cas significatifs de récupération au cours de cette étape : la Cooperativa Niboplast et la Cooperativa de Trabajadores del Molino Santa Rosa. L’entreprise NiboPlast SA fut fondée en 1952 pour produire des objets en plastique. Dans les années 90, la fabrication s’orientait principalement vers le secteur industriel et approvisionnait 80% du marché. A l’annonce de la fermeture définitive de NiboPlast par le patron, un conflit éclata car en plus de perdre leur emploi, les travailleurs ne perçurent pas leurs indemnités de licenciement. Le syndicat réagit rapidement en occupant l’usine et évita son démantèlement. La création de la coopérative reçut le soutien actif du syndicat, l’Union nationale des travailleurs de la métallurgie et branches assimilés (UNTMRA), auquel une majorité des travailleurs était affiliée. La récupération fut impulsée par une trentaine de travailleurs, qui se caractérisaient par un certain âge et une longue ancienneté dans l’entreprise, critères qui compliquaient leur réinsertion sur le marché du travail. La formation de la coopérative se concrétisa le 31 janvier 2000. Devant le risque de perdre les machines non gagées de l’ancienne fabrique, ils obtinrent un local dans le Parc technologique industriel du Cerro, attribué par la municipalité de Montevideo.
Le moulin de Santa Rosa était une minoterie créée dans les années 20. La Coopérative des travailleurs du moulin de Santa Rosa fut créée en 1999 en réponse à la faillite de la firme Saltram SA, propriétaire du moulin depuis 1993. Au début, la coopérative loua l’usine à l’ancien propriétaire pour pouvoir travailler. A la suite d’une expulsion judiciaire de cette firme, le contrat de location fut résilié et la coopérative obtint le droit d’occuper l’usine en qualité de dépositaire judiciaire. En 2002, un processus de négociation commença avec la BROU, principal créancier de la firme antérieure, avec laquelle un compromis de cession des droits fut conclu en juin 2004. La coopérative devint propriétaire de l’usine en échange d’une hypothèque sur les machines. Actuellement, la coopérative occupe 69 travailleurs, dont 57 associés et deux conseillers techniques.
Cette étape présente quelques particularités. Tout d’abord, la récupération des entreprises intervient dans un contexte de crise profonde, provoquant la fermeture de 35 à 40% des entreprises uruguayennes, ce qui a signifié une « crise du mode d’accumulation basé sur les principes néolibéraux » et une phase d’augmentation importante du chômage qui a vu le taux passer de 10% en 1998 à 17% en 2002 (Riero, 2014 :124) ; ensuite, le processus bénéficie d’une importante couverture médiatique et il existe un « effet contagieux » (Martí y al., 2013) ; enfin, le phénomène devient un objet politique et, à ce titre, des politiques publiques spécifiques sont mises en œuvre, comme l’illustre le soutien apporté à la coopérative de travailleurs de céramique (CTC).
La lutte emblématique de la CTC
Parmi les récupérations récentes, nous trouvons la plus importante ERT uruguayenne, la Coopérative de travailleurs Cerámicos (CTC) à Empalme Olmos, petite ville de 4 000 habitant-e-s située à 40 kilomètres au nord-est de Montevideo dans le département de Canelones. L’usine fut fondée en 1937, elle appartenait à la société Metzen y Cía avant de devenir en 1945 Metzen y Sena S.A. A l’origine, elle employait 40 travailleurs qui produisaient des carreaux de faïence de style, azulejos valencianos. Par la suite, l’usine élargit sa gamme de produits avec la fabrication d’équipements sanitaires en porcelaine (1958), de vaisselle en porcelaine (1960) et de carreaux de revêtements de sols sous la marque Olmos, qui fut créée en 1942 4. Dans les années 80, l’entreprise employa jusqu’à 2.800 travailleurs et fin 2009, lors du dépôt de bilan, il en restait encore 700. Dès lors, une longue lutte s’engagea pour éviter la liquidation. Les travailleurs continuèrent à assurer la maintenance de l’outil de travail et sollicitèrent à quatre reprises l’utilisation provisoire de l’unité productive. Dix mois plus tard, en septembre 2010, 450 travailleurs, réunis en assemblée générale, constituèrent la coopérative avec 62 associés fondateurs et la volonté d’intégrer progressivement l’ensemble des travailleurs5. Par la suite, ils réussirent à obtenir des financements pour remettre l’usine en activité. En décembre 2010, ils organisèrent un campement de 19 jours face au parlement dans le but d’obtenir un prêt de la BROU, action qui allait déboucher sur la création du Fonds de développement (FONDES)6. En novembre 2012, le juge leur accorda l’utilisation provisoire de l’usine et des carrières. Au cours de l’année 2013, la CTC reçut un prêt de 10,8 millions de dollars du FONDES pour récupérer l’usine et obtenir un fonds de roulement. La production démarra le 1er juillet 2013 à l’issue d’un arrêt de près de quatre années. Pour Andrés Soca, secrétaire de la CTC, il y avait un an plus tard 362 travailleurs-coopérateurs (dont un tiers de femmes) et seulement 10 employés. Le recrutement s’effectue à partir d’une bourse de travail dans laquelle sont inscrits tous les anciens travailleurs7. Le développement des marchés à l’exportation a été fondamental pour maintenir la production. La coopérative a introduit des changements importants dans le mode de production en passant d’une énergie gazogène, bois brulé au gaz naturel, à un système de gaz liquéfié (GPL). L’énergie représente 40 % des coûts de production.
De nombreux travailleurs de la CTC restent affiliés au syndicat SUNCA (Syndicat unique de la construction). La coopérative est active au sein de l’association nationale des entreprises récupérées par ses travailleurs (ANERT)8 et participe aux activités de la FPCU (Fédération des coopératives de production d’Uruguay) et de l’INACOOP (Institut national du coopérativisme) (IEEM, 2014). Andrés Soca représentait la CTC et l’ANERT à l’occasion de la Ve rencontre internationale de l’Economie des travailleurs au Venezuela en juillet 2015.Ve rencontre internationale de l’Economie des travailleurs au VenezuelaL’ampleur du processus et quelques caractéristiques
Il existe différentes sources pour analyser l’impact réel des ERT en Uruguay. Lors de la IVe rencontre internationale de l’ « Économie des travailleurs » en 2013 au Brésil, la sociologue Anabel Rieiro évoquait les chiffres de 30 ERT actives et plus de 3 000 travailleurs (Rieiro, 2014: 124) et (Rieiro, 2012). Lors du deuxième relevé national des coopératives réalisé en 2008 par l’Institut national de la statistique (INE), 30 coopératives étaient recensées comme issues de processus de récupération (INE, 2010). Les trois-quarts employaient moins de 50 associés. La grande majorité résultait de la crise de 2002 : 20 ERT l’avaient été entre 1998 et 2008, dont 17 avant 2002. En termes d’activité, 9 ERT avaient une activité manufacturière, 6 dans le transport et 5 dans l’enseignement. Un recensement réalisé à la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale (MTSS) en 2009 en comptabilisait également 30 (Martínez, 2012). Les ERT représentaient 10,6% des 284 coopératives de production du pays (Guerra, 2013).
Selon les investigations menées en 2013 par Pablo Guerra, il y avait 40 ERT, dont 4 entreprises sous statut de société anonyme (Ebigold SA, Urutransfor SA, Noblemark SA et Dyrus SA) et 36 sous statut coopératif (Guerra, 2013: 29). En novembre 2014, à l’occasion du sommet international des coopératives au Québec, l’auteur évoque le chiffre de 41 ERT dont 37 sous statut coopératif (Guerra, 2014: 541). Nous retiendrons donc ce dernier nombre qui est le plus récent, même si nous relevons qu’aucune enquête n’est exhaustive, ainsi l’expérience d’ABC Cooperativa (Service de transport en car à Colonia do Sacramento) ne figure sur aucune liste. ABC Cooperativa
Les 37 ERT sous statut coopératif sont majoritairement représentées dans le secteur de l’industrie (59%). Elles se répartissent dans l’alimentation (7), le textile et la confection (6), la métallurgie (3), l’imprimerie (2), le cuir (2), la céramique (1) et le caoutchouc (1) avec Funsacoop qui a longtemps été la plus importante avec 240 travailleurs, dépassée en 2013 par la CTC qui compte 360 travailleurs. Le reste des ERT se trouve dans le secteur des services (41%) : l’enseignement (8), services divers (3) le transport (2), Librairie (1) et la santé (1)9.
Aucune étude, à notre connaissance, n’indique précisément le nombre de travailleurs impliqués dans le phénomène de récupération d’entreprises par les travailleurs. Selon une déclaration de Daniel Placeres, directeur de l’ANERT en mai 2014, il y aurait plus 3 000 travailleurs dans les ERT uruguayennes10. Ce chiffre corrobore celui évoqué précédemment par Anabel Rieiro (Rieiro, 2014 :124). De part la loi, la culture ouvrière et la volonté des ERT, s’il on excepte le secteur de l’éducation, le taux de travailleurs-associés et de participation est globalement élevé.
Comme en Argentine et au Brésil, l’appropriation des moyens de production ne se produit pas dans une optique idéologique mais résulte d’actions collectives en réponse à la menace d’exclusion symbolisée par la fermeture du lieu de travail dans un contexte de crise généralisée. En s’appropriant l’entreprise, les travailleurs initient un processus d’apprentissage de pratiques décisionnelles collectives en assemblée qu’ils ne connaissaient pas dans leur culture antérieure. Les entreprises industrielles récupérées se caractérisent par une existence moyenne de 40 ans, dans lesquelles il y avait une présence syndicale forte (60% des travailleurs étaient syndiqués avec une moyenne d’ancienneté dans l’entreprise de 18 ans), avec des revendications classiques telles que la défense du salaire et des conditions de travail. Selon les cas, il existe des nuances dans le mode de gestion car le « processus est hétérogène mais la récupération est toujours un processus dynamique qui dépend du nombre de travailleurs, du secteur d’activité, de la cohésion du groupe, de l’histoire de l’entreprise, etc. » (Rieiro, 2014 :125).
Un champ social autogestionnaire en construction
Entre 2002 et 2007, plusieurs ERT étaient regroupées dans le secteur de l’industrie au sein de la centrale syndicale PIT-CNT11. A partir de 2003, certaines ERT commencent à se regrouper dans des instances nationales et des rencontres sont organisées en 2003 et 2004 en lien avec le département de l’industrie et de l’agroalimentaire de la centrale syndicale PIT-CNT. Elles développent également des échanges d’information et participent à des rencontres régionales (Argentine, Brésil et Venezuela). A la fin 2005 le Venezuela et l’Uruguay signent un accord de coopération qui prévoit que le gouvernement vénézuélien apportera un soutien financier pour la réactivation de trois entreprises récupérées emblématiques uruguayennes : FUNSA, URUVEN et ENVIDRIO.
En octobre 2007, les entreprises récupérées créent l’Association nationale des entreprises récupérées par les travailleurs (ANERT), une association autonome du mouvement syndical même si elle entretient des liens étroits avec lui. Son but est de relever un certain nombre de défis concernant des questions légales, politiques et économiques. Pour autant, les entreprises restent affiliées à la FCPU. L’ANERT devient rapidement un interlocuteur reconnu par le pouvoir politique. Elle fédère aujourd’hui une vingtaine d’entreprises récupérées.Au cours de l’année 2010, dans un contexte politique favorable, la Table pour l’autogestion et la construction collective (MEPACC) est créée dans le but de transformer la réalité sociale à travers l’autogestion. Elle regroupe la Fédération uruguayenne de coopératives de logements par aide mutuelle (FUCVAM)Uruguay : Quatre décennies de lutte des « sans terre urbains » la FCPU, l’ANERT, le Réseau d’économie sociale et solidaire (RESS) et l’université de la République (UdelaR). Les organisations sont partie du « postulat que l’autogestion ne sert pas uniquement à développer des entreprises mais qu’elle peut être une manière de gérer la réalité et la société en général ». Mais cet espace ouvert de réflexion et d’action ne se maintient pas longtemps et échoue suite à un désaccord sur la forme de structuration et de conception politique.
Si les pratiques d’autogestion analysées émergent comme des stratégies de lutte contre le chômage, elles ont commencé à s’organiser dans le mouvement syndical pour ensuite opter pour un regroupement indépendant. L’évolution du phénomène démontre que des alliances ressurgissent et qu’il existe des possibilités pour que ces expériences trouvent leur place dans le mouvement syndical (Rieiro, 2012).
L’utilité indéniable du Fonds de développement (FONDES)
Plus de dix ans après la crise économique et avec l’arrivée au pouvoir du Frente Amplio12, le phénomène de récupération d’entreprises par ses travailleurs, sorti de son contexte d’urgence, s’est accru lentement. En Uruguay, il existe des politiques publiques orientées vers le secteur, à travers notamment le FONDES, dont le but est d’assister et de soutenir financièrement les projets productifs impulsés par des collectifs de travailleurs qui détiennent les capitaux et la direction des entreprises et en particulier celles gérées selon les principes de l’autogestion.
Le phénomène de récupération uruguayen va donc bénéficier de politiques publiques plus favorables qu’en Argentine. Ainsi, en juillet 2004, une loi innovante sur les coopératives de travail est promulguée. Elle donne la possibilité au juge d’accorder l’utilisation de l’infrastructure de l’entreprise antérieure à la coopérative créée par les travailleurs et, pour palier à l’absence de capital, elle permet aux travailleurs de solliciter l’avance du montant global de leurs indemnités de chômage pour constituer le capital social.
Par la volonté personnelle de Pepe Mujica13, souvent contre des secteurs influents du Frente Amplio et de la PIT-CNT, son mandat a été marqué par des avancées incontestables et la mise en œuvre de politiques spécifiques pour les ERT. Celui qui a qualifié l’autogestion de « plus belle des utopies » fait une distinction claire entre les ERT et l’entreprise capitaliste dans laquelle les « travailleurs travaillent pour d’autres » et où il y a une « exploitation de l’homme par l’homme ». Et, entrevoyant un projet de long terme à partir de ces expériences, il ajoute qu’ « un jour les travailleurs devront bien administrer la société »14 .Le 27 septembre 2011, Mujica crée par décret présidentiel le Fonds pour le développement (FONDES), dont la possibilité a été rendue possible par une loi de décembre de 2010. Ce fonds est destiné à promouvoir des secteurs stratégiques « avec une attention particulière aux projets autogestionnaires dans lesquels se conjuguent la propriété du capital, le management et le travail » (Art.1) et le décret est sans ambigüité, il s’agit de privilégier « les entreprises économiques avec participation des travailleurs dans la direction et le capital en particulier les cas d’autogestion… » (Art.3)15. Cet outil permet de soutenir un secteur alternatif qui éprouve des difficultés d’accès au crédit. En 2012, quatre entreprises (dont 3 ERT) ont pu bénéficier du FONDES et en 2013, elles étaient treize, notamment la CTC (principale bénéficiaire) et Alas-U (expériences évoquées ci-dessus). Selon Guerra, les « principaux bénéficiaires ont été des entreprises autogérées qui, en situation difficile, ont pu obtenir des crédits avec un impact positif du point de vue du travail et de l’emploi généré » (Guerra, 2014).
Avec le retour de Tabaré Vasquez16 à la présidence en mars 201516, les lignes budgétaires et les priorités du FONDES, principalement destinées au secteur autogestionnaire, sont sérieusement débattues à l’intérieur du gouvernement et certains services de l’État. Pour autant, l’outil ne serait pas remis en cause car il a été consolidé juridiquement par le pouvoir précédent.
Bien que récent, le FONDES apparaît comme un outil important pour les entreprises autogérées, il a permis la récupération d’entreprises comme les ex Metzen y Sena ou Paylana (qui emploient plusieurs centaines de coopérateurs). Alors que des ERT précédentes, telles que Molino Santa Rosa ou la FUNSA, avaient du passer par des chemins politiques et financiers complexes pour obtenir un soutien, les nouvelles générations d’ERT peuvent compter sur un nouvel instrument concret qu’elles peuvent solliciter pour amorcer et consolider la récupération de leur outil de travail.
En Uruguay, le mouvement de récupération d’entreprises par les travailleurs se caractérise par trois étapes concomitantes avec les principales crises survenues au long des six dernières décennies. Il s’inscrit donc dans un processus historique qui puise profondément dans la culture et la mémoire ouvrière de ce pays. La troisième étape, issue de la crise de 2002, a été la plus importante, elle a notamment permis de structurer le mouvement et d’instaurer une nouvelle forme d’articulation avec la centrale syndicale, conjuguant dans une démarche dialectique, à la fois l’autonomie et l’intégration à celle-ci. Cette configuration n’est pas pour autant exempte de discordance mais elle se distingue nettement des processus argentin et brésilien ou plus généralement de la tension permanente entre le syndicalisme et l’autogestion. Cette dernière étape intervient également dans un contexte politique plus favorable et porteur de nouvelles opportunités, dans lequel l’appréhension du phénomène contraste avec les pays voisins. En effet, les politiques publiques ne peuvent être interprétées uniquement comme le résultat d’une accumulation de forces du secteur autogestionnaire, elles ont aussi été impulsées par l’État.
Dans un pays historiquement réformiste, très centré sur l’État et amortisseur des conflits sociaux, comme peut l’être l’Uruguay, « la récupération d’entreprise productive émerge dans un premier temps comme une forme d’action directe, ce qui signifie que le conflit n’est pas institutionnalisé et qu’il rénove le répertoire des luttes existantes ». L’importance de ces expériences autogestionnaires dans la sphère productive ne peut se réduire au nombre d’entreprises et de travailleurs impliqués mais dans l’impact symbolique que comporte l’autogestion ouvrière en tant qu’ouverture de réalité et de possibilité. Ces « ruptures culturelles laissent émerger certaines contradictions latentes en portant de nouveaux débats que représente un potentiel de rénovation politique dans la société » (Rieiro, 2012).
Richard Neuville (Septembre 2015)
NB : Cet article est une version courte de celui qui sera publié dans l’Encyclopédie internationale de l’autogestion qui paraîtra en format numérique à l’automne 2015 aux éditions Syllepse.
Pour en savoir plus
Etienne David-Bellemare, Le mouvement syndical en Uruguay : trajectoire contemporaine et nouvelles perspectives pour la Plénière intersyndicale des travailleurs-Convention nationale des travailleurs (PIT-CNT), Université du Québec à Montréal (UQAM), Montréal, 2011. http://www.turmel.uqam.ca/node/435
Pablo Guerra (2014), “Promoción del empleo autogestionado en empresas recuperadas. El caso de desarrollo (FONDES) en Uruguay”, in Hammond Ketilson, Lou y Robichaud Villettaz, Marie-Paule (bajo la dirección de), El poder de innovar de las cooperativas: Textos escogidos de la convocatoria internacional de articulos cientificos (pp. 539-553). Lévis: Cumbre internacional de cooperativas. Sommet international des coopératives, Bibliothèque et Archives Nationales du Québec et du Canada, 2014. Consultable sur : www.sommetinter.coop/files/…/2014_35_Guerra.pdf
Pablo Guerra, Autogestión empresarial en Uruguay – Análisis de caso del FONDES, Facultad de Derecho – Universidad de la República, Septiembre 2013, 74p.
www.fder.edu.uy/publicaciones/dt1.pdfInstituto Nacional de Estadísticas (INE), Censo Nacional de Cooperativas y Sociedades de Fomento rural (2008-2009), 2010, 65p. www.ine.gub.uy/biblioteca/censoCoop_2008-2009/Censo-Nacional-de-cooperat...
Juan Pablo Martí, Florencia Thul, y Valentina Cancela, “Las empresas recuperadas como cooperativas de trabajo en Uruguay: entre la crisis y la oportunidad”, (Documento de trabajo), Montevideo, Universidad de la República, Facultad de Ciencias Sociales – Programa de Historia Económica y Social, marzo de 2013, 21p. www.fcs.edu.uy/…/_Thul_Cancela%20Historia
Anabel Rieiro, Cooperativismo y sindicalismo en Uruguay: Retomando los aportes de Marx y Gramsci para el caso de las empresas recuperadas por sus trabajadores en Uruguay, in Revista Estudios cooperativos Año 13 n°1, 2008, p.123-144.
Anabel Rieiro, « Sujetos colectivos y recuperación del trabajo en un contexto de reificación », p.161-188 in Colectivo, Gestión obrera: del fragmento a la acción colectiva, Editorial Nordan / Comunidad del Sur, Montevideo, 2010, 276 p.
Anabel Rieiro, Representación y democracia: sujetos colectivos en el campo de la autogestión, OSERA, n°7, 2° semestre 2012, 20 p.
http://webiigg.sociales.uba.ar/empresasrecuperadas/PDF/PDF_07/RIEIRO.pdfAnabel Rieiro, “Sujetos colectivos autogestionarios y política pública en Uruguay”, p. 123-134 in Andrés Ruggeri, Henrique T. Novaes y Maurício Sardá de Faria, (Comps.), Crisis y autogestión en el siglo XXI – Cooperativas y empresas recuperadas en tiempos de neoliberalismo, Ediciones Continente, Buenos Aires, 2014, 160 p.
Entrevista Directorio del CTC Empalme Olmos, Revista de Negocios del IEEM, Escuela de negocios – Universidad de Montevideo, Agosto 2014 http://socrates.ieem.edu.uy/wp-content/uploads/2014/08/2.pdf
Raúl Zibechi, “Una década de fábricas recuperadas: Reinventar la vida desde el trabajo”, Programa de las Américas, 3 de noviembre de 2010. http://www.cipamericas.org/es/archives/3515
1. En référence aux statuts de la première organisation ouvrière créée en 1875 : la Fédération régionale de la République Orientale d’Uruguay ou « Fédération montévidéenne”, qui se transformera en Fédération des travailleurs de l’Uruguay en 1885 puis en “Fédération ouvrière régionale de l’Uruguay” (FORU) en 1905 qui permet de réaliser l’unification syndicale.
2. Lors du dernier recensement officiel de la population, l’Uruguay comptait 3 286 314 habitant-e-s (Sources Institut national de la statistique) :
http://www.ine.gub.uy/biblioteca/uruguayencifras2013/capitulos/Poblaci%C... et une population active de 1.749.379 personnes en 2013 (Población activa, total)
http://datos.bancomundial.org/indicador/SL.TLF.TOTL.IN3. Site internet de la FCPU : http://www.fcpu.coop/
4. Site de la coopérative CTC : http://www.olmos.com.uy/es/#nosotros
5. « Ex trabajadores de Metzen crearon CTC Empalme Olmos”, Producción nacional, 3 septiembre de 2010, http://www.produccionnacional.com.uy/notas/emprendedores/ex-trabajadores...
6. Le FONDES a été créé le 27 septembre 2011 par décret présidentiel, conformément à une loi du 24 décembre 2010. Il est destiné prioritairement au soutien des entreprises récupérées et autogérées.
7. Entretien le 24 juillet 2015.
8. ANERT (Asociación Nacional de Empresas Recuperadas por sus Trabajadores), Video de présentation de 12 minutes 40’, Novembre 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=Cnp4neK8CLo
9. Décompte réalisé par l’auteur de cet article à partir des données de la liste établie par Pablo Guerra en 2014.
10. Interview de Daniel Placeres, directeur de l’ANERT, Dario El Telégrafo, Paysandú, Uruguay, 21 mai 2014. http://www.eltelegrafo.com/index.php?id=87456&seccion=locales
11. La PIT-CNT (Plenario Intersindical de Trabajadores – Convención Nacional de Trabajadores, La Plénière Intersyndicale des travailleurs – Convention nationale des travailleurs) est la seule confédération syndicale uruguayenne. Son nom actuel provient d’une part de la Convention nationale des travailleurs (CNT) créée en 1964, et interdite après le coup d’État du 27 juin 1973, d’autre part de l’Intersyndicale plénière des travailleurs (PIT), créée en 1982, alors que la junte militaire accordait une libéralisation relative du régime. Le 1er mai 1984, la confédération reprit son nom initial de CNT, sans abandonner le sigle PIT. La PIT-CNT compte aujourd’hui 64 fédérations syndicales, avec 200 000 affiliés, dont 150 000 cotisent de façon régulière. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/PIT-CNT
Voir également : Etienne David-Bellemare, Le mouvement syndical en Uruguay : trajectoire contemporaine et nouvelles perspectives pour la Plénière intersyndicale des travailleurs-Convention nationale des travailleurs (PIT-CNT), Université du Québec à Montréal (UQAM), Montréal, 2011. http://www.turmel.uqam.ca/node/43512. Le Frente Amplio est une coalition de partis de gauche et de centre-gauche, créée en 1971, qui regroupe 21 organisations, entre autres, le Parti socialiste, le Parti communiste, le Parti démocrate chrétien, des scissions des partis Blanco et Colorado, le Mouvement pour la participation populaire (animé par d’anciens guérilleros des Tupamaros). Il conquiert le pouvoir de l’État en 2004 avec la première élection de Tabaré Vázquez à la présidence de la République Orientale d’Uruguay.
13. José, dit Pepe, Mujica a été président de la République Orientale d’Uruguay (2010-2015). Il appartient au Mouvement pour la participation populaire (animé par d’anciens guérilleros des Tupamaros), membre du Frente Amplio.
14. José Mujica, Entretien La Diaria, 27 septembre 2012.
15.Uruguay (2011). Decreto 341/011, Montevideo: Ministerio de Economía y Finanzas.
16. Tabaré Ramón Vázquez Rosas, leader du Parti socialiste, membre de la coalition du Frente Amplio, a été président de la République du 1er mars 2005 au 1er mars 2010 (premier président de gauche de l’Uruguay). Il l’est à nouveau depuis le 1er mars 2015 en remplacement de José Mujica. Il se caractérise par des positions politiques modérées aux niveaux économique, social et international.
Association Autogestion
2 novembre 2015
http://www.autogestion.asso.fr/?p=5535Ανακτημένες Επιχειρήσεις, Richard Neuville, 21ος αιώνας – Εργατικός Έλεγχος στη Σύγχρονη Εποχή, Ουρουγουάη, Λατινική ΑμερικήAuthorsΝαιΝαιNoΌχι -
French22/10/15
Nous publions ici un texte de l’historienne Raquel Varela sur le rôle du Parti communiste portugais dans la période révolutionnaire qui va de la révolution des œillets en avril 1974 au coup d’État de novembre 1975 qui marqua la fin de la périodedu MFA.
Durant cette période, de nombreuses nationalisations ont été opérées. Si l’auteure interroge le pourquoi de ces nationalisations – sauvegarde et restructuration par l’État bourgeois d’entreprises en quasi-faillite ou produit de la mobilisation de la classe ouvrière ? – elle montre la faiblesse même du concept de contrôle ouvrier à l’égard de celles-ci. Le contrôle ouvrier s’applique à des entreprises gérées par les capitalistes ou par l’État et provoque de fait à une situation instable de double pouvoir qui pourra verser soit vers l’autogestion ou vers une reprise en main des actionnaires.
Pour le Portugal, l’État a su reprendre le contrôle des entreprises pour pouvoir les remettre en ordre de marche et les re-privatiser quelques années plus tard…
Suite de la première partie
Contrôle ouvrier : un débat avec l’Histoire
Dans les années 1970, le contrôle ouvrier constituait une revendication commune aux jeunes libertaires, aux sociaux-démocrates et aux syndicalistes réformistes (Brinton, 1975, p. 13). Néanmoins, ces différents secteurs usaient du même mot pour désigner des choses diverses. Le sujet, riche et polémique, fut amplement étudié et discuté dans des œuvres variées et centrales, dont seulement une partie sera évoquée ici.
Maurice Brinton (1975), par exemple, considère qu’en appeler au contrôle ouvrier est une manière de « détourner » les travailleurs de l’autogestion, seule revendication qui remet en cause le profit. Pour Ernest Mandel, aller au-delà du contrôle démocratique des entreprises capitalistes suppose que la définition du contrôle ouvrier soit étendue à l’autogestion, tout en précisant que cela n’a de sens qu’en tant que revendication transitoire (Mendel, 1973, p. 18-23). John Hammond use quant à lui d’une définition minimale : contrôle collectif des travailleurs•ses sur les entreprises, laissant ouverte la question du niveau de contrôle, pouvant aller des questions de gestion, comme celle des licenciements, jusqu’aux questions de distribution et de production (Hammond, 1981, p. 415). Au Portugal, en 1974-75, la notion de contrôle sur l’entreprise était utilisée de manière indéfinie pour désigner « participation à la gestion », « publicité des comptes » et contrôle sur la production (Santos et al., 1976, p. 49-50) ; les organisations politiques et syndicales n’établissaient pas clairement si le contrôle ouvrier signifiait le contrôle sur la gestion, la production et/ou la distribution, et s’il serait accompli par des assemblées démocratiques de travailleurs ou par les syndicats.
Dans cette étude, nous utilisons une définition restreinte du contrôle ouvrier – contrôle démocratique des travailleurs•ses, sur la production et la distribution des entreprises gérées par des capitalistes, ce qui impliquait l’abolition du secret commercial. Cette définition s’écarte aussi bien de la cogestion que de l’autogestion, et définit le contrôle ouvrier non pas d’un point de vue littéral mais dans son acception historique, comme revendication transitoire vers la collectivisation, dans la mesure où elle concerne les entreprises, gérées par les capitalistes et non par les travailleurs•ses, contrôlées au niveau de la production et de la distribution (rendant indispensable l’abolition du secret commercial ou l’ouverture des livres de compte) par des commissions de travailleurs•ses ou d’autres formes de conseils à la base dans les usines et les entreprises, et non par des syndicats.
En accord avec cette définition, il n’existe pas de contrôle ouvrier hors de situations révolutionnaires ; il apparaît donc comme une expression du double pouvoir. Le contrôle ouvrier est donc moins que l’autogestion en termes de gestion, mais politiquement son application est incompatible avec le processus d’accumulation capitaliste (ce qui n’est pas le cas de l’autogestion). Il s’agit d’une revendication transitoire, qui évolue soit vers la conquête du pouvoir par les travailleurs•ses, soit dégénère en cogestion. L’essence du contrôle ouvrier tient dans le fait que l’État ou les capitalistes dirigent l’entreprise/usine mais ne peuvent le faire contre les travailleurs•ses, si bien qu’une compréhension historique correcte de cette forme d’expression de la dualité de pouvoir doit passer par l’analyse de cas concrets de lutte au sein des usines et des entreprises, plutôt que des institutions qui se créent à partir de ces dernières. Cette définition insiste, pour cette raison, sur deux prémices essentielles : la dynamique de lutte de classes au niveau national et le processus d’accumulation du capital. António Gramsci et Léon Trotsky ont travaillé sur le premier aspect, Lénine sur le second.
Analysant le contrôle ouvrier durant la séquence révolutionnaire italienne de 1920-21, lorsque le chef du gouvernement – Giovanni Giolitti – présenta à la Chambre des députés un projet de loi sur le contrôle ouvrier pour faire face à l’occupation des usines en septembre 1920, António Gramsci écrit :
Pour les communistes, mettre en avant le problème du contrôle signifie […] mettre en avant le problème du pouvoir ouvrier sur les moyens de production, le problème de la conquête de l’État. […] Toute la loi qui porte sur cela qui émane du pouvoir bourgeois a une signification et une valeur uniques : elle signifie que réellement, et non simplement en paroles, le terrain de la lutte de classes a évolué, dans la mesure où la bourgeoisie est contrainte, sur ce nouveau terrain, de faire des concessions et de créer de nouvelles institutions juridiques ; elle est la preuve d’une faiblesse organique de la classe dominante (Gramsci, 1921, p. 1-2).
Léon Trotsky, discutant la question de la législation des conseils d’usines en Allemagne avec les anarchistes allemands, souligne le problème de la dualité de pouvoir et diminue la valeur de l’institutionnalisation de formes de contrôle ouvrier :
Je n’ai jamais parlé de conseils d’usine « légaux ». En outre, j’ai insisté sans équivoque sur le fait que les conseils d’usine sont seulement susceptibles de se muer en organes de contrôle ouvrier dans une situation de forte pression des masses, ayant mené au moins partiellement dans le pays et dans les usines à l’établissement d’une situation de double pouvoir. Il est clair qu’une telle situation a aussi peu de chance de se réaliser sous le régime légal actuel des conseils d’usine qu’il n’est possible de faire la révolution en respectant la constitution de Weimar ! (Trotsky, 1931, p. 1, traduit par l’auteure).
À propos de la discussion sur le contrôle ouvrier dans les entreprises nationalisées, Vladimir Lénine insiste sur la nécessité d’une nationalisation de l’intégralité du système bancaire (et non simplement d’une partie de celui-ci), ce qui impliquait la nationalisation des grands trusts industriels et commerciaux, puisque « sans abolition du secret commercial, le contrôle de la production et de la distribution n’irait pas loin qu’une vide promesse » (Lénine, 1976, p. 61-65). Il s’agirait d’une mesure bureaucratique et non d’un contrôle par les travailleurs•ses. La question était centrale pour les révolutionnaires russes et n’était en rien théorique. Le jour suivant la prise du pouvoir, le 7 novembre 1917, un projet de décret sur le contrôle ouvrier est rédigé :
Le contrôle ouvrier sur la production, l’achat et la vente des produits et des matières premières, leur stockage, comme sur les finances de l’établissement, est institué dans toutes les entreprises de l’industrie, du commerce, de la banque, de l’agriculture, des transports, dans les coopératives et toutes autres qui emploient au moins cinq ouvriers et employés […]. 2. Le contrôle ouvrier est exercé par tous les travailleurs de l’entreprise considérée, directement si l’entreprise est si possible que cela est possible, ou par l’intermédiaire de ses représentants, dont l’élection aura lieu immédiatement dans le cadre d’assemblées générales […]. 4. Tous les livres de compte et les documents, sans exception, ainsi que tous les entrepôts et dépôts de matériaux, d’outils et de produits, sans exception aucune, doit être constamment à disposition des représentants élus par les travailleurs (Lénine, 1976, p. 99-100).
La « bataille de la production » contre le « contrôle ouvrier »
À partir des nationalisations, la question de la gestion des entreprises et du contrôle ouvrier va se trouver à l’ordre du jour au Portugal. Cette discussion est centrale pour comprendre la politique du PCP face aux nationalisations mais aussi l’extension de la conflictualité sociale dans le pays. Le PCP se fonde sur une définition du contrôle ouvrier qui n’entre dans le cadre d’aucune des définitions énoncées plus haut, qu’il s’agisse de celles défendant une perspective en termes d’autogestion ou de celles qui insistent sur une forme d’incompatibilité avec le processus d’accumulation du capital. S’il en est ainsi, c’est que le PCP fera de sa définition du contrôle ouvrier une manière de mettre fin au contrôle ouvrier tel qu’il était en train d’être mis en place dans certaines entreprises, et que, dès ce moment, il soumettra le contrôle ouvrier à la « bataille de la production », soustrayant à ce processus toute dimension de conflictualité capital/travail.
La définition du parti est transparente (O processo…, 1975, p. 4) : organisation des travailleurs dans n’importe quels types d’organismes – syndicats, associations, coopératives, organisations de paysans, commissions d’habitants, etc. –, ayant en vue la défense de la Révolution et la réalisation de la bataille de la production, le « front principal de lutte de la classe ouvrière » (Ibid., p. 1). Il s’agit donc de participer à (et non de contrôler) la production, conjointement avec les syndicats – dans l’établissement de plans d’entreprise, des prix, la discussion des problèmes salariaux, etc. (Não…, 1975, p. 6) –, en lien étroit avec l’objectif que constitue la « bataille de la production ». Le secrétaire d’État au Travail et membre du PCP, Carlos Carvalhas, éclaircit le périmètre dans lequel le PCP maintient le « contrôle ouvrier » : « Cette bataille de la restructuration de tout l’appareil productif a pour vecteurs principaux une meilleure production, et de moindres coûts » (cité dans Avante!, journal officiel du PCP, voir Fazer…, 1975, p. 6). Carvalhas présente deux projets de loi qui visent – même s’ils ne seront jamais véritablement mis en place – l’établissement d’un contrôle strict des travailleurs•ses qui fait disparaître les formes réelles de contrôle ouvrier. Dans le premier projet de loi, en mai 1975, est proposé la constitution officielle de commissions de contrôle de la production, qui doivent participer à l’élaboration d’un plan d’entreprise et « veiller au développement normal de la production et à l’amélioration qualitative et quantitative » (Documento, 1976, p. 765-816). Dans le second projet, l’article 5 dispose que « l’activité des commissions ne pourra jamais être exercée contre les intérêts globaux de l’économie, si bien qu’elle ne pourra contribuer en aucun cas à la paralysie de l’activité productive régulière de l’entreprise ». Le projet établit également qu’il reviendrait aux commissions de contrôle de la production de « veiller à la réalisation du programme gouvernemental pour le secteur d’activité » (Ibid., p. 765-816). Dans Avante! est réaffirmé cette politique : création de commissions de contrôle destinées à garantir « la victoire de la bataille de la production » (Com o PCP…, 1975, p. 4).
Le « contrôle ouvrier » était, sous cette forme, soumis à la « bataille de la production » mais aussi à une autre politique qui s’ajoutait à celle-ci, à savoir l’opposition à ce que le PCP désignait à travers l’expression de « revendications irréalistes » de la part des travailleurs•ses. Cela dans un contexte où, même après les nationalisations, plus de 90% de la main-d’œuvre travaillait pour un patron privé, et où l’État demeurait capitaliste.
Dans un discours tenu lors d’une réunion publique du PCP, le 18 mai 1975 à Vila Franca de Xira, Álvaro Cunhal [secrétaire général du PCP] considère que la « grande tâche du moment » est bien la « bataille de la production » et qu’il doit être mis fin aux « revendications irréalistes » et aux grèves (Discurso…, 1976, P. 43-45). Dans une réunion tenue le 28 juin 1975 à Campo Pequeno, Veiga de Oliveira, le ministre communiste des Transports et des télécommunications du 4ème gouvernement provisoire, rappelle la victoire de la nationalisation des chemins de fer, de la TAP, des transports maritimes et de dizaines d’entreprises ferroviaires, et condamne la vague de grèves et de revendications mises en avant dans ces entreprises, considérées comme un acte de « sabotage » de la « réaction » (Com o PCP…, 1975, p. 4). Dans le même discours, il défend l’augmentation du prix des transports. C’est lors de cette même réunion que Vítor Silva, un ouvrier communiste de Mague, défend le contrôle ouvrier (Ibid.). Dans Avante!, on peut lire une note de la commission de travailleurs•ses de l’usine Socel où est affirmé que la bataille de la production « est nôtre et pour nous ». Dans le même communiqué, les travailleurs•ses considèrent qu’ils/elles peuvent avoir le contrôle de la production mais qu’ils ne doivent pas « travailler en-dessous d’une certaine limite d’efficacité » (A batalha…, 1975, p. 6).
Cette politique bénéficie d’un ample consensus au sein de la coalition gouvernementale, du Conseil de la Révolution et du MFA. Le PS et le PPD [parti de la droite libérale] déclarent que la situation difficile exige de bloquer les revendications (Coligação…, 1975, p. 1 et 20) ; Costa Gomes affirme que le travail est « une manière de soutenir la révolution » (O trabalho…, 1975, p. 9). Le 1er mai 1975, le discours de Vasco Gonçalves – alors premier ministre proche du PCP – est en harmonie totale avec la politique défendue par le PCP :
Notre crise économique est, en ce moment, l’obstacle fondamental qu’il nous faut surmonter. […] J’appelle ici tous les travailleurs, tous les patriotes, à s’engager dans la bataille de la production, dont le futur de la Révolution dépend. La bataille de la production est une étape nécessaire pour vaincre la crise économique et créer les conditions pour un futur développement de l’économique, pour ouvrir la voie au socialisme (Discours de Vasco Gonçalves…, 2009).
De nombreux•ses travailleurs•ses soutiennent cette politique, comme nous l’avons vu dans les pages du journal du PCP et selon d’autres sources (Patriarca, 1976, p. 765-816). Mais une telle politique suscite de fortes résistances dans quelques secteurs, à deux niveaux : la lutte se maintient pour le contrôle ouvrier, d’un côté, et les revendications – sur les salaires, l’opposition aux licenciements, la contestation des administrations – ne se modèrent pas, de l’autre.
Fátima Patriarca, dans une étude réalisée sur le contrôle ouvrier, donne des dizaines d’exemples de communiqués et de documents issus des assemblées d’usines et d’entreprises où la « bataille de la production » est rejetée, et où l’on défend le contrôle ouvrier, compris comme une mesure de lutte contre l’exploitation capitaliste et comme un moyen pour le mouvement ouvrier de faire émerger des dirigeants et une conscience de classe afin d’abolir le système de rapports capitalistes. À la Sociedade Central de Cervejas, un groupe de travailleurs•ses présente un document où il est affirmé que le contrôle ouvrier est une « expression du double pouvoir s’opposant à d’autres intérêts qui existent encore et qui ne sont pas ceux de la classe ouvrière ». Exigeant la nationalisation de l’entreprise, il déclare n’avoir de comptes à rendre que devant l’assemblée plénière de l’entreprise et rejette les mesures qui portent « uniquement sur le degré de l’exploitation et non sur le pouvoir des capitalistes » (Sobre o controlo operário na Sociedade Central de Cervejas, 1976, p. 765-816). Le Conseil de défense des travailleurs de la Lisnave écrit, le 17 juillet 1975, que le contrôle ouvrier consiste dans le contrôle de « ce qui se produit, comment, quand et pour qui ! », et repousse les mesures « s’inscrivant dans une bataille de l’économie visant simplement à produire davantage » (A situaçáo política e as tarefas da classe operária, 1976, p. 765-816). Les travailleurs des chantiers navals de la Margueira défendent également à cette date qu’ « il n’existe pas de contrôle ouvrier quand nous prétendons administrer les affaires du patron » (Controle operário, 1976, p. 765-816). Les travailleurs•ses de Sacoor, au Nord, proposent en mai 1975 de délivrer de l’essence et du gaz aux entreprises connaissant des problèmes économiques en raison de la fuite des patrons (ce qui constitue clairement un processus de contrôle ouvrier, puisque la proposition consiste à céder une partie de la production gratuitement). Ils défendent en outre l’idée que le contrôle ouvrier n’aura de portée réelle que s’il « aboutit à un accroissement de la conscience (des travailleurs), c’est-à-dire s’il permet de leur montrer de plus en plus clairement quels sont leurs véritables intérêts, et de poser la question fondamentale : la conquête du pouvoir » (Ibid.).
En guise de remarque conclusive, il faut rappeler que l’expression « bataille de la production » est issue d’un parallèle historique entre les directions communistes des pays centraux. Elle renvoie à la reconstruction européenne directement postérieure à la Seconde guerre mondiale, dont la signification historique – dans un contexte marqué par la défaite du fascisme, le prestige acquis par la résistance communiste et la ruine des économies européennes – fut l’acceptation d’une mise au second plan de la lutte de classes, au profit d’un effort national, interclassiste, de reconstruction de l’économie capitaliste, avec de nombreuses concessions aux secteurs ouvriers qui grosso modo virent la construction de l’État-providence. Autrement dit, la reconstruction capitaliste qui s’opéra après la guerre n’aurait pu être réalisée sous la forme qu’elle prit finalement sans la participation des directions communistes.
La direction du PCP présenta un scénario socio-économique selon lequel l’absence d’une stimulation de la production aurait engendré la ruine économique – et avec elle un coup d’État réactionnaire – mais aussi, comme nous l’avons écrit plus haut, que le Portugal était déjà engagé dans un processus de transition vers le socialisme. Les ouvriers ne travaillaient donc pas pour le patron mais pour la nation, ce récit étant soutenu par la nationalisation de quelques secteurs de l’économie ainsi que par la réforme agraire :
La bataille de l’économie et de la production va constituer dans la période immédiate le facteur déterminant du processus révolutionnaire. Ou les travailleurs accomplissent d’une manière nouvelle leurs tâches professionnelles ; ou tous les efforts pour élever le niveau de vie des classes laborieuses seront vains. La politique de nationalisations des secteurs fondamentaux et d’expropriation des grands domaines terriens, couplée à des formes de démocratie économique orientées vers le socialisme, devront s’accompagner d’une nouvelle morale du travail. Une action revendicative généralisée et irréaliste qui mettrait en péril la viabilité des entreprises nationalisées, le niveau d’emploi, dangereusement bas, et les exigences de la production nationale (qui visent à diminuer notre dépendance à l’égard de l’étranger), constituerait une action contraire à la consolidation du processus révolutionnaire dont ne profiterait que la réaction (A unidade…, 1975, p. 2).
Le PCP mène ainsi durant la révolution une politique de stabilisation de l’économie portugaise qui passe par la levée des entraves à la réalisation de la production, que ces entraves s’enracinent dans des secteurs de la bourgeoisie (sabotage économique, décapitalisation d’entreprises) ou qu’elles proviennent des travailleurs•ses (grèves). D’un côté, l’appel à l’intensification de la production, au travail gratuit, à l’augmentation du temps de travail, et de l’autre, au « contrôle ouvrier », qui suppose la surveillance de la production d’afin d’empêcher la décapitalisation des entreprises, le sabotage économique, etc., mais aussi la limitation des grèves et des revendications salariales. De ce fait, les trois politiques apparaissent toujours de manière conjointe : « bataille de la production » ; « contrôle ouvrier » ; « limitation des grèves » et « revendications irréalistes ». La « bataille de la production » constitua ainsi une politique visant à répondre au problème fondamental de la stratégie du PCP : comment continuer à faire partie de l’organisation de l’État, sans remettre en cause la nature de classe de cet État. Dans les usines et les entreprises où une telle politique fut appliquée – de manière variable selon le rapport de forces politique, le poids de l’économie nationale dans ces usines, les traditions de lutte des travailleurs•ses –, ses conséquences ne furent pas minces, puisqu’elle contribua à la gestion par l’État de ces entreprises en corsetant le contrôle ouvrier et en donnant le temps à la bourgeoisie de se réorganiser et de préparer le coup contre-révolutionnaire du 25 novembre 1975, qui mit fin au processus révolutionnaire, initié 19 mois plus tôt. Comme le signale John Hammond – et en cela la Révolution portugaise fut exemplaire –, l’intervention de l’État et le contrôle des travailleurs•ses sur la production étaient incompatibles : « Le rôle dirigeant de l’État dans les entreprises nationalisées limita dans ces dernières la portée du contrôle ouvrier » (Hammond, 1981, p. 423).
Traduit du portugais par Ugo Palheta.
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Association Autogestion
22 octobre 2015
http://www.autogestion.asso.fr/?p=5415
Source originale : http://revueperiode.net/controle-ouvrier-et-nationalisations-dans-la-rev...1960-2000 – Εργατικός 'Ελεγχος ενάντια στην Καπιταλιστική Αναδιάρθρωση, Raquel Valera, Εργατικός Έλεγχος, Πορτογαλία, ΕυρώπηTopicΝαιΝαιNoΌχι -
French16/10/15
Nous publions ici un texte de l’historienne Raquel Varela sur le rôle du Parti communiste portugais dans la période révolutionnaire qui va de la révolution des œillets en avril 1974 au coup d’État de novembre 1975. Durant cette période, de nombreuses nationalisations ont été opérées. Si l’auteure interroge le pourquoi de ces nationalisations – sauvegarde et restructuration par l’État bourgeois d’entreprises en quasi-faillite ou produit de la mobilisation de la classe ouvrière ? – elle montre la faiblesse même du concept de contrôle ouvrier à l’égard de celles-ci. Le contrôle ouvrier s’applique à des entreprises gérées par les capitalistes ou l’État et correspond à une situation instable de double pouvoir qui pourra verser soit vers l’autogestion ou vers une reprise en main des actionnaires. Dans le cas du Portugal, l’État a su reprendre le contrôle des entreprises pour pouvoir les remettre en ordre de marche et les privatiser quelques années plus tard…
La Révolution portugaise demeure connue pour l’histoire comme la révolution des œillets, du nom des fleurs que les femmes de Lisbonne entreprirent spontanément de glisser dans les fusils des soldats. Elle commença le 25 avril 1974 à travers un coup militaire dirigé contre le régime salazaro-marcelliste et sa guerre coloniale, et fut seulement vaincue 19 mois plus tard, de nouveau par un coup militaire, le 25 novembre 1975. Ce processus fut marqué par le rôle politique central d’un mouvement ouvrier et social puissant, qui se déploya dans tous les secteurs de la société portugaise, en particulier – mais pas seulement – dans le secteur industriel. Au-delà des travailleurs•ses directement lié•e•s à la production de valeur, et particulièrement des ouvriers•ères industriel•le•s et des salarié•e•s agricoles, la Révolution portugaise se caractérisa par des conflits sociaux très radicaux dans le monde étudiant, les services, le secteur informel, une large participation des femmes et des secteurs subalternes et intermédiaires des forces armées. La conflictualité sociale au Portugal en 1974-1975 eut ainsi une ampleur nationale.
Ce fut durant la Révolution portugaise que les principaux secteurs de l’économie – banques, assurances, énergie – furent nationalisés. La première nationalisation fut imposée par les travailleurs•ses eux•elles-mêmes dès mai 1974, mais la majorité des nationalisations eurent lieu seulement après mars 1975, dans un contexte économique de baisse de plus de 4% du PIB. Dans cet article, nous nous pencherons sur l’histoire de ces nationalisations durant cette période, sur la politique défendue par le PCP (Parti communiste portugais) – qui constitue alors le principal parti de la classe ouvrière organisée au Portugal, et qui fut responsable des ministères dont dépendaient les entreprises nationalisées – à l’égard de la gestion de ces entreprises, et les différentes propositions de gestion, d’autogestion et/ou de contrôle ouvrier qui surgirent des assemblées de travailleurs•ses, organes embryonnaires de double pouvoir qui émergèrent spontanément dès la chute du régime.
Outre l’historicisation du processus de nationalisations dans la séquence 1974-1975, nous nous demanderons dans cet article si ces nationalisations impliquèrent le contrôle ouvrier sur la production et permirent de renforcer la confiance et l’organisation des travailleurs, ou si, au contraire, elles constituèrent un moyen pour la bourgeoisie portugaise de soustraire les usines et les entreprises au contrôle des travailleurs et à les sauver de la ruine financière liée à la crise de 1973. Enfin, nous discuterons ce processus à la lumière du débat ouvert par divers théoriciens marxistes après la Révolution russe et dans les années 1970, en espérant contribuer à une discussion ambitieuse et de long terme ayant pour objet les questions de l’autogestion, de la cogestion et du contrôle ouvrier, afin d’aider à analyser ces processus dans leur double signification, économique et politique, autrement dit leur signification quant au conflit autour de la propriété des usines et des entreprises, et leur rôle dans les confrontations sociales et politiques mais aussi dans les organisations de travailleurs•ses.
De l’intervention étatique à la nationalisation
Les nationalisations de banques, de compagnies d’assurance et d’autres entreprises qui ont lieu, grosso modo, entre mars 1975 et mai 1975, constituent une politique exigée par les travailleurs. Dans la dynamique de la révolution, ces derniers les imposent aux partis politiques et au Mouvement des Forces Armées (MFA), qui avait renversé le régime dans le fracas du 25 avril 1974, obligeant le Conseil de la Révolution et le 4ème gouvernement provisoire à nationaliser dans un premier temps les banques et les assurances, puis diverses entreprises stratégiques appartenant aux groupes économiques portugais dominants. C’est la révolution qui place les nationalisations au centre de l’histoire du Portugal à partir de 1975. Ni le PCP, ni le PS, pas plus que le MFA, ne considéraient les nationalisations comme une option stratégique dans la séquence 1974-75.
La conséquence des nationalisations fut le contrôle de l’État sur les entreprises, avec le double résultat de sauver économiquement ces entreprises en pleine récession et de venir au secours de la propriété, alors objectivement remise en cause par les travailleurs•ses. À moyen terme, près d’une décennie plus tard, les banques et les entreprises nationalisées seront rendues au secteur privé. Mais ce processus a une histoire, un début et une fin : quand les nationalisations eurent lieu, elles représentèrent une victoire des travailleurs, une défaite du système capitaliste, et un aiguisement de la lutte des classes qui remit directement en question la propriété privée. Et l’histoire de la révolution, à partir de ce moment, fut aussi celle de l’extraordinaire confiance dans leurs propres forces que les travailleurs•ses, et une partie des couches intermédiaires de la société, conquirent à partir du 11 mars 1975 1, une confiance dans leur capacité à vaincre, à parvenir à contester la propriété privée des moyens de production. Cette confiance allait se répandre comme une traînée de poudre dans l’ensemble du pays, étant à l’origine de la crise révolutionnaire qui éclata en juillet 1975 et que l’on nomma l’ « été chaud » (Verão Quente).
La première nationalisation au Portugal après la révolution eut lieu moins d’un mois après la chute du régime. Le 21 mai 1974, les travailleurs•ses de la Compagnie des Eaux occupèrent le siège de l’entreprise et exigèrent sa nationalisation. Elle devint ainsi l’Entreprise Publique des Eaux de Lisbonne 2. Mais c’est seulement suite à la victoire de la loi d’indépendance des colonies, au cours de l’été 1974, que les nationalisations furent de nouveau à l’ordre du jour. En septembre 1974, les décrets-lois n°450, 451 et 452/74 nationalisent la Banque du Portugal, la Banque de l’Angola et la Banque nationale d’Outre-mer, ce qui, selon Medeiros Ferreira, fut « la premier étape dans le processus amenant l’État à être l’acteur unique, du côté portugais, dans la gestion des conséquences financières de la décolonisation qui s’engage officiellement avec la Loi n°7/74 du 26 juillet » (Ferreira, 1993, p. 114).
De fait, la décolonisation obligeait le capitalisme portugais à recourir à la centralisation pour sauvegarder la plus grande part possible de ses intérêts liés aux colonies. Néanmoins, il faut se garder de sous-estimer le rôle de la lutte révolutionnaire dans la métropole quant à la réalisation de ces mesures. En premier lieu, la décolonisation fut elle-même conditionnée, dans l’après-25 avril, par la dynamique révolutionnaire dans la métropole. Ensuite, les syndicats des employé•e•s de banque avaient été impliqués dans des luttes d’importance depuis le 25 avril 1974, et c’est dans la séquence ouverte par la défaite de la tentative de coup d’État mené par le général António de Spínola le 28 septembre 1974 que l’État accroît son pouvoir sur les institutions de crédit, par exemple avec le décret 540-A/74 du 12 octobre 1974.
La majorité des nationalisations est réalisée entre le 11 mars et mai 1975. Le 11 mars, les travailleurs•ses des banques, qui occupaient les établissements, exigent la nationalisation du système bancaire. Le 12 mars, le Conseil de la Révolution, qui se constitue ce même jour, annonce la nationalisation des banques (les compagnies bancaires étrangères n’étant pas concernées) et, le 24 mars, celle des compagnies d’assurance. Le 14 avril 1975 ont lieu d’énormes manifestations de soutien à la nationalisation des banques 3. Le 15 avril, sont nationalisées par décision du 4ème gouvernement provisoire des dizaines d’entreprises appartenant aux groupes financiers, à présent expropriées, incluant les entreprises des secteurs fondamentaux de l’économie nationale : compagnies pétrolières, de l’électricité, du gaz, du tabac, de la bière, de la sidérurgie, des ciments, des transports maritimes, du papier, de la construction et de la réparation navales, des transports routiers, des transports collectifs urbains et périurbains, etc. Nombre de ces entreprises étaient liées aux grands groupes économiques qui s’étaient enrichis sous l’Estado Novo : CUF, Champalimaud, Espírito Santo, etc.
Beaucoup d’entreprises, dont certaines de dimensions raisonnables, échappèrent à la vague de nationalisations – transformation de liège, raffinage de sucre, textiles et exportation de vin –, essentiellement dans le nord du pays. Et ce fut précisément à partir de ces entreprises que se constituèrent les premiers noyaux des nouveaux groupes privés, comme celui de Américo Amorim.
La doctrine de l’Estado Novo consacrait l’initiative privée, mais le secteur des entreprises d’État (SEE) se développa considérablement durant la dictature, comme le signale Silva Lopes (1996, p. 310). Ainsi, l’État détenait des positions de commande ou d’influence dans les transports, les raffineries, l’électricité, le secteur bancaire, etc. On estime que les entreprises dominées par l’État, avant les nationalisations, représentaient près de deux tiers de la main-d’œuvre employée par le secteur des entreprises d’État (SEE) après les nationalisations. Durant les premières années postérieures aux nationalisations de 1975, le SEE employait environ 300 000 travailleurs•ses, autrement dit près de 8 % de la population active, et produisait une valeur ajoutée brute estimée entre 20 % et 25 % du PIB. Selon Silva Lopes, le Portugal est resté l’un des pays en Europe où le secteur public était le plus important, sans que la situation soit très différente de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni et de l’Allemagne. Dans ces pays, en moyenne, les entreprises d’État employaient environ 10 % de la main-d’œuvre (Lopes, 1995, p. 314-315).
Dans la mesure où les nationalisations furent réalisées en raison de l’impact d’une crise d’accumulation généralisée au niveau mondial, la méthode qui présida à ces nationalisations – sans contrôle ouvrier – suggère que la bourgeoisie usa des nationalisations pour protéger l’essentiel, une fois perdu une partie de ses actifs. Autrement dit, il s’agissait d’en finir avec la conflictualité sociale dans les entreprises, afin de les sauver de la crise d’accumulation. Cela se trouve confirmé par la rhétorique des partis membres de la coalition gouvernementale qui, sans exception, appelaient à l’endiguement des luttes dans les entreprises nationalisées, au motif que celles-ci appartiendraient dorénavant au peuple portugais. Ils omettaient ainsi le fait que l’État demeurait capitaliste, non moins que les entreprises administrées par lui. Selon Ferreira (1993, p. 116), par exemple, les nationalisations permirent aux militaires d’obtenir le contrôle sur le système financier, et Lopes (1996, p. 316) rappellent qu’elles eurent également pour effet d’atténuer les effets de la conjoncture économique.
L’interprétation est plausible mais nous semble téléologique, dans la mesure où elle identifie la fin – la rétrocession par l’État des entreprises nationalisées au secteur privé plus d’une décennie plus tard – avec le processus, la contestation de la propriété privée des moyens de production par les travailleurs au cours d’une révolution. L’importance des nationalisations durant la révolution ne réside pas, essentiellement, dans leur impact économique ni dans l’éventuel projet d’une économie de forme socialiste – car l’économie et l’État restèrent capitalistes, les banques et les entreprises étrangères demeurant hors de l’intervention étatique grâce à l’appui de la direction communiste, malgré son programme prévoyant la « libération de l’impérialisme étranger ». Comme nous l’avons déjà signalé, les entreprises nationalisées employaient au total, en 1975, 8% de la population active. Cette importance est liée au fait que les nationalisations ont été faites sous la pression des travailleurs•ses, souvent réuni•e•s en assemblées de base et occupant les locaux des entreprises pour exiger leur nationalisation. Les nationalisations furent aussi accompagnées d’extraordinaires victoires des travailleurs•ses, notamment d’importantes augmentations des salaires réels, dans une période d’inflation élevée (20 à 30 %), et d’autres conquêtes sociales (Lopes, 1996, p. 320). Elles furent en outre accomplies sans indemnisation. Reflet de l’intensité de la lutte des classes : nombre de capitalistes – incluant des hommes parmi les plus riches du pays – furent emprisonnés à la suite de la tentative de coup d’État du 11 mars, et/ou finirent par fuir, la majorité pour le Brésil. Ils ne revinrent au Portugal qu’à partir de la fin des années 1970, quand les gouvernements initièrent un processus d’indemnisations (ou de rétrocessions des entreprises), qui furent pour la première fois fixées par la loi 80/77 du 26 octobre 1977.
La politique du Parti communiste portugais en faveur des nationalisations
Principal parti de la classe ouvrière organisée dans cette période, le PCP fut présent dans tous les gouvernements provisoires, en alliance avec les partis démocrates et libéraux et, jusqu’en septembre 1975, il eut la responsabilité des ministères qui contrôlaient les entreprises et les usines nationalisées. Pourtant, il ne développa en rien une stratégie de nationalisations (VIIe congrès…, 1974, p. 359-362). La politique économique du PCP, dans le cadre de la Révolution, tient tout entière dans la défense et la préparation d’instruments permettant à l’État d’intervenir dans les entreprises, et c’est le PCP qui défendit de la manière la plus soutenue le décret 660/74, du 25 novembre 1974, faisant accessoirement le constat, en 1977, que ce décret fut imposé aux autres membres du gouvernement par le PCP lui-même (As empresas…, 1977, p. 7). Le décret stipulait que l’État interviendrait dans les entreprises en cas d’abandon, de décapitalisation, de non-paiement délibéré des fournisseurs ou de fraude fiscale. Au total, selon les données officielles, près de 350 entreprises furent l’objet d’interventions étatiques, représentant environ 100 000 travailleurs•ses dans trois secteurs d’activité (Lopes, 1997, p. 309). Dans la majorité des cas, ces interventions eurent lieu en 1975 (255 entreprises), et particulièrement dans la période postérieure au 11 mars 1975. Cela illustre le fait que, même au moment le plus fort de la lutte pour les nationalisations, le gouvernement privilégiait l’intervention étatique dans le cas des entreprises caractérisées par des luttes sociales, des difficultés économiques ou du sabotage.
La politique d’intervention se maintint durant toute la révolution :
Avec l’explosion des conflits sociaux dans les premiers mois ayant suivi le 25 avril, les travailleurs•ses d’un grand nombre d’entreprises expulsèrent les patrons ou leurs représentants, invoquant des arguments de sabotage économique, la collaboration avec le régime dictatorial, la répression patronale, etc. Dans le même temps, la détérioration des conditions économiques s’aggravait, nombre d’entreprises se trouvant dans des situations insoutenables liées à un manque de liquidités ou de solvabilité, ce qui conduit beaucoup de patrons à les abandonner. Pour protéger leurs salariés, ou pour arracher tout leur pouvoir aux propriétaires du capital, les travailleurs des entreprises ainsi en difficulté s’emparèrent de la gestion et réclamèrent l’appui de l’État pour les maintenir en activité. Le gouvernement fut pour cette raison amené à publier des titres qui donnaient une couverture légale aux situations ainsi créées. […] Ces titres établissaient et régulaient les mécanismes d’intervention de l’État dans les sociétés privées, bien que de manière temporaire et en se gardant de retirer les moyens de production à leurs propriétaires respectifs (Lopes, 1996, p. 308).
À partir de novembre 1974, mais surtout entre janvier et mars 1975, on trouve des discours de dirigeants du PCP – même s’ils sont encore vagues – défendant l’idée qu’ « il est nécessaire d’approfondir une stratégie anti-monopoliste et anti-latinfundiste » (Política…, 1975, p. 2). Le 3 janvier 1975, une assemblée d’employé•e•s de banque demande la nationalisation des banques (Avante !, 1975a, p. 9). Lors de la première conférences des travailleurs•ses agricoles du sud, plus d’un mois après cette assemblée, le 9 février 1975, le PCP propose officiellement la nationalisation des banques (Ière Conférence…, 1975, p. 156). Álvaro Cunhal, le leader charismatique du Parti, affirme que les nationalisations ouvrent une perspective socialiste dans la stricte mesure où elles sont réalisées sous le contrôle des travailleurs•ses. Mais ce contrôle, selon le dirigeant du PCP, doit être soumis à l’unité démocratique (Avante !, 1975b, p. 5), et être articulé avec l’État et le gouvernement :
Le « contrôle » des travailleurs, en collaboration étroite avec un État démocratique dont la démocratisation s’impose de manière croissante, est aujourd’hui possible comme forme transitoire vers d’autres formes plus évoluées. Il s’agit là d’un des aspects les plus significatifs de l’originalité du processus révolutionnaire portugais (Avante !, 1975b, p. 65).
C’est à partir du 11 mars et durant le 4ème gouvernement provisoire que les nationalisations acquièrent une place centrale dans la politique du PCP. La question du contrôle ouvrier – défini en permanence par le PCP en référence à l’organisation de l’État et non à son caractère de classe – ne surgit, pour cette raison, que dans la chaleur du conflit de gouvernement avec le PS, à partir de mai 1975.
Le PCP ne s’attendait pas à ce que les nationalisations en viennent à être conçues comme une priorité par les travailleurs•ses. Comme l’explique Madeiros Ferreira, celles-ci furent réalisées avec un « fort degré d’empirisme » (Ferreira, 1993, p. 114). Cet empirisme est en réalité le produit de la dynamique révolutionnaire. Les nationalisations furent précédées de grands mouvements populaires, de janvier à mars 1975, dans lesquels la forme de lutte la plus utilisée fut l’occupation d’entreprises et la revendication d’assainissement des strates supérieures de la hiérarchie des entreprises (Ferreira, 1993, p. 109). Tout indique que le PCP, comme d’autres partis, n’avait prévu en rien une telle dynamique. Comme l’affirme John Hammond : « durant les premiers mois de 1975, le PCP maintint sa politique de modération, suivie par la majorité des syndicats. Le mouvement demeura hors du contrôle communiste, dans la mesure où ses exigences excédaient largement ce que le PCP était disposé à défendre » (Hammond, 1981, p. 421).
Vingt jours avant les nationalisations – et après que la majorité des commissions de travailleurs•ses se soit prononcé en faveur des nationalisations lors de la Conférence Unitaire des Travailleurs – le PCP appuya le programme Melo Antunes, un programme de salut national de l’économie, soutenu par l’ensemble du gouvernement et qui ne prévoyait pas de nationalisations mais une intervention de l’État dans les entreprises pouvant aller jusqu’à 51%.
Après le 11 mars 1975, le PCP va défendre les nationalisations de certains secteurs de l’économie – il participe et mobilise pour les manifestations qui les appuient : banque, assurances, presse, transports ferroviaires –, mais cherche à les maintenir dans le strict cadre de la « bataille de la production ». Au cours de la manifestation du 14 mars, soutenant la nationalisation du secteur bancaire, le PCP distribue un communiqué où il est affirmé que :
La nationalisation du secteur bancaire permettra une augmentation du niveau de vie des travailleurs et le combat contre le chômage et l’inflation. Concernant le contrôle de l’État démocratique sur les secteurs fondamentaux de l’économie, jusqu’à maintenant dans les mains des grands monopoles, il sera enfin possible d’empêcher la fuite des capitaux et de mettre l’épargne au service du Peuple » (Nacionalização…, 1975).
Le PCP exulte devant les mesures prises le 15 avril, qui nationalisent une grande partie des entreprises des grands groupes économiques, dont les banques, et les considère comme la preuve de l’irréversibilité de la Révolution (A revolução…, 1975, p. 1). Mais ce facteur, en lui-même, ne distingue par le PCP d’autres partis ou directions qui, par la force des circonstances, furent obligés de défendre les nationalisations. Ainsi, après 11 mars, et jusqu’à en juin 1975, les directions politiques du pays, sans exception, défendirent les nationalisations. Costa Gomes, au nom du Conseil de la Révolution (organe militaire qui visait la défense de l’État et de la démocratie représentative), présenta la nationalisation du secteur bancaire comme la mesure « la plus révolutionnaire dans le Portugal contemporain » (Diãrio Popular, 1975, p. 9). Le PPD, parti libéral, défendit publiquement la gestion des entreprises par les travailleurs (Ibid.). Mário Soares, dirigeant socialiste, se fit l’avocat de la nationalisation des banques, des assurances et de la réforme agraire (República, 1975a, p. 11). Même la Conférence de l’Industrie Portugaise (CIP), organisation patronale, ne s’opposa pas aux nationalisations, prétextant que la gestion devait être partagé entre les travailleurs, les patrons et l’État (República, 1975b, p. 16). Cela rappelle d’ailleurs la solution qui fut proposée après les grèves du début des années 1980, et qui prit forme en 1984 à travers une institution de concertation sociale où se négocient les conditions de travail et où sont représentés les patrons, les travailleurs et l’État.
Quand eurent lieu les nationalisations, en mars 1975, le PCP proposa pour les entreprises nationalisées une commission administrative, dirigée par le gouvernement et par des représentants des travailleurs•ses (República, 1975c, p. 1). Une question divisa partis et patrons : ces commissions administratives devaient-elles être dirigées par des membres du gouvernement, d’un parti ou d’un autre ? Plus profondément, il s’agissait d’influencer la composition des administrations des banques et des entreprises nationalisées, sous la direction de l’État.
Les nationalisations avaient été conquises par les travailleurs•ses et institutionnalisées par le Conseil de la Révolution. Le front gouvernemental chercha pourtant à les attribuer au Conseil de la Révolution, affaiblissant ainsi la confiance des travailleurs•ses dans leur capacité à obtenir des victoires, ce que signale le titre du Diário Popular (1975, p. 9) : « le Peuple est reconnaissant pour la loi la plus révolutionnaire jamais promulguée au Portugal ». La tactique du PCP, sur le moment, fut d’ailleurs identique, puisqu’il attribua les nationalisations au MFA, au Conseil de la Révolution, dans le cadre de la stratégie de renforcement du MFA comme légitimité alternative à celle accordée par les élections [NdT : remportées largement par le PS le 25 avril 1975] :
Ayant pris connaissance, en réunion, de la constitution du Conseil de la Révolution du MFA, et de sa première mesure législative – la nationalisation des banques –, la Commission Politique (CP) du Comité Central (CC) du Parti communiste portugais affirme son soutien complet à la consolidation et au développement du processus démocratique. La CP du CC du PCP exhorte la classe ouvrière, les masses laborieuses et le peuple en général à manifester son accord avec cette décision historique. La CP du CC du PCP propose à toutes les forces démocratiques et populaires l’organisation en commun, pour tout le pays, de réunions, de meetings et de manifestations démontrant la joie populaire et renforçant l’alliance Peuple-MFA (O PCP…, 1975, p. 9).
Quelques groupes d’extrême-gauche interrogèrent, en 1975, le PCP sur la question du contrôle ouvrier, d’un côté, et sur les conséquences des nationalisations de l’autre. En réalité, les deux questions renvoyaient au même processus : les nationalisations sans contrôle ouvrier et sans abolition du secret commercial ne sont pas une mesure de transition socialiste. L’UDP [Union Démocratique Populaire, né en 1974 et de filiation maoïste], par exemple, publiait des textes comme celui-ci : « Nous considérons, et l’Histoire nous l’a prouvé, que dans des situations d’urgence, la bourgeoisie utilise les nationalisations pour en finir avec l’anarchie capitaliste » (República, 1975a, p. 8).
Pour le PCP, aucune de ces questions ne se posait puisqu’en accord avec la théorie diffusée par le parti durant le processus de nationalisations, l’État avait d’ores et déjà changé de nature de classe, depuis le 25 avril 1974. Yuri Rubinsky, économiste soviétique, professeur à l’université de Moscou, vint ainsi faire une conférence sur les nationalisations à la Fondation Gulbenkian [à Lisbonne], en mars 1975, au cours de laquelle celui-ci défendit le PCP :
Sur ce sujet, Yuri Rubinsky distingua la signification de la nationalisation des banques dans les pays capitalistes, où cette mesure ne produit aucune transformation dans la structure économique, de celle des nationalisations dans une société comme la nôtre, en transition vers le socialisme. Ainsi, vouloir nier toute valeur aux mesures de nationalisation des banques n’est pas autre chose qu’une tentative de tromper le peuple par des phrases grandiloquentes (Economista…, 1974, p. 7).
Sans contrôle effectif de la production et de la distribution par les travailleurs•ses et soumises à la « bataille de la production », les nationalisations sont défendues sur un plan théorique, en tant que mesure constituant une étape dans la construction du socialisme, une fois établi que l’État n’est plus capitaliste mais en transition vers le socialisme. De telle sorte que, dans son bilan de 1978, commentant le succès du contrôle de la gestion par les travailleurs•ses, le PCP souligne que c’est dans les entreprises nationalisées que les travailleurs•ses ont agi avec le plus de « réalisme » et où les « paralysies et les grèves ont été les moins fréquentes, où les revendications des travailleurs ont été les plus modestes » (As nacionalizações…, 1978, p. 52). On peut se référer au discours du PCP, en plein processus révolutionnaire, à propos de la nationalisation des chemins de fer :
Considérée à la fois comme nécessaire et urgente pour parvenir à la victoire du socialisme, proposée en motion lors de la réunion du 5 au Pavillon des Sports, la nationalisation de CP [Comboios de Portugal, compagnie ferroviaire portugaise], a fait se lever, dans une manifestation enthousiaste d’appui, des milliers de cheminots qui se trouvaient réunis dans le cadre d’une assemblée de classe. […] Définissant ce qu’il faut entendre par nationalisation, un orateur a expliqué : nationaliser une entreprise signifie que cette entreprise n’appartient plus à un patron, à un capitaliste ou à un groupe de capitaliste mais appartient uniquement à la Nation, c’est-à-dire au peuple » (Os ferroviarios…, 1975, p. 7).
Cette analyse politique – selon laquelle ce qui est la propriété de l’État appartient à la Nation, et ce qui est la propriété de la Nation appartient au Peuple –, à laquelle s’ajoutait le fait de rendre le Conseil de la Révolution et le MFA responsables des nationalisations, rapproche le PCP de ceux qui considéraient les conquêtes de la classe ouvrière comme le fruit de ses directions et des organisations envisageant la possibilité d’une transition indolore du mode de production capitaliste au mode de production socialiste. Ainsi le PCP caresserait-il l’espoir – publiquement défendu, aussi, par le MFA et le PS – que cette transition puisse être réalisée selon les mêmes modalités qui avaient présidé au changement de régime par l’intervention du MFA, c’est-à-dire quasiment sans morts (dans la métropole du moins), sans prise du pouvoir par la classe ouvrière, et en dernière analyse sans guerre civile.
Une lecture des politiques de l’Union soviétique durant cette période et de toute l’élaboration théorique antérieure du PCP indique que cette politique ne constituait pas une originalité de la Révolution portugaise. Elle plongeait ses racines dans la stratégie de « réorganisation » du Parti au Portugal, datant de 1941 et inspirée des thèses de Dimitrov au 7ème congrès de l’Internationale communiste, consistant à construire des fronts gouvernementaux avec des secteurs de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. Elle avait en outre une base internationale bien délimitée, ayant justement comme épicentre la politique de coexistence entre les pays impérialistes et l’URSS. C’est bien à l’URSS que l’on doit l’élaboration d’une stratégie fondée sur la possibilité d’une transition pacifique vers le socialisme. L’argument, défendu par le PCP en diverses occasionts, se focalisait sur l’idée simple qu’une fois la majorité des pays devenus socialistes, d’autres parviendraient à cette étape sans qu’il soit nécessaire d’y prendre le pouvoir, comme cela était exposé dans la revue théorique du parti, Paix et socialisme (Kiernan, 1997, p. 327).
Sur la base de cette politique émerge une conceptualisation hésitante de l’État, ancrée dans les nécessités tactiques du parti. Si dans La question de l’État, question centrale de toute révolution (2007), publié en 1967, Cunhal défendait l’idée que l’État a pour fonction d’assurer et de maintenir la domination de la bourgeoisie sur le prolétariat, ainsi que l’exploitation de ce dernier 4, en 1974-75, toute la théorie de l’État évolue rapidement pour s’adapter à la stratégie du parti : en certaines occasions on en appelle à des assainissements 5 afin d’éliminer les éléments fascistes de l’État ; en d’autres occasions, au moment par exemple où ont lieu les nationalisations, on assimile le changement de régime politique à une transformation de la nature de l’État.
Traduit du portugais par Ugo Palheta.
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SOBRE O CONTROLO OPERÁRIO NA SOCIEDADE CENTRAL DE CERVEJAS. In PATRIARCA, Fátima. Controle Operário em Portugal (I). Análise Social, Vol. XII (3.º), 1976 (n.º 47).
TROTSKY, Leon. Factory Councils and Workers’ Control of Production, 1931. Disponible ici : https://www.marxists.org/archive/trotsky/germany/1931/310912.htm²
I CONFERÊNCIA de Trabalhadores Agrícolas do Sul, 9 fev. 1975. In: O PCP e a Luta pela Reforma Agrária. Cadernos do PCP 7. Lisboa: Avante!, 1975.
VII CONGRESSO Extraordinário do PCP. In: Documentos políticos para a História do PCP. Lisboa: Avante!, 1974.
- Date de la défaite subie par la tentative de coup d’État de la part de la droite, qui impliqua la généralisation des organismes embryonnaires de double pouvoir.
- En 1981, elle fut renommée Entreprise Publique des Eaux Libres et, en 1991, Entreprise Portugaise des Eaux Libres, nom qui est encore le sien aujourd’hui.
- Diario Popular, 1975, p. 9 et 11.
- « La compréhension de la nature de l’État est centrale quand il s’agit de prendre le pouvoir ; on ne peut pas reprendre à son compte l’État, il est nécessaire de le détruire […]. Il est nécessaire de défendre la dictature du prolétariat et les conseils comme organismes de double pouvoir : le mérite de Lénine et du Parti Bolchévique ne fut pas d’avoir ‘’inventé’’ les soviets, mais d’avoir su découvrir dans ces organismes révolutionnaires créées par les masses l’organe du pouvoir de l’État ouvrier » (Cunhal, 2007, p. 23 et 32).
- « Assainissement » fut le mot qui émergea dans la langue populaire, au début de la révolution, pour définir les processus de destitution de dirigeants liés à l’Estado novo de postes de responsabilité politique aussi bien que de patrons d’entreprises occupées.
Association Autogestion
15 octobre 2015
http://www.autogestion.asso.fr/?p=5412Source originale : http://revueperiode.net/controle-ouvrier-et-nationalisations-dans-la-rev...
1960-2000 – Εργατικός 'Ελεγχος ενάντια στην Καπιταλιστική Αναδιάρθρωση, Raquel Valera, Εργατικός Έλεγχος, Πορτογαλία, ΕυρώπηTopicΝαιΝαιNoΌχι - Date de la défaite subie par la tentative de coup d’État de la part de la droite, qui impliqua la généralisation des organismes embryonnaires de double pouvoir.
